3100 - Humanitas et Tempus III
N. Lygeros
Si l’humanité est trop abstraite pour certains, il leur suffit d’examiner la haine du système social pour saisir sa réalité. L’humanité n’est pas une autre société. Elle ne remplace aucune société et le penser constitue en soi une insulte pour elle. Le système social lorsqu’il porte atteinte à l’humanité à travers un crime, ne tente pas de la remplacer mais de l’éliminer. Aussi il procède à ce qu’il nomme l’épuration. Il s’agit pour elle d’enlever les stigmates du passé et les germes du futur. Effacer consiste à éliminer une culture, une civilisation. Car tout cela est de trop dans une société où règne le présent. L’action de l’humanité est considérée comme la présence d’une impureté. Parmi ces impuretés, se trouve aussi l’histoire. Car l’histoire sociale n’a pas de sens en soi. Elle n’est qu’une justification de la réalité. Nous avons l’habitude de dire que l’histoire est écrite par le plus fort. En réalité, ce dernier est plutôt spécialiste de son effacement. Il ne crée pas, il écrase. Il ne conserve pas, il remplace. Car d’une certaine manière tout doit être neuf dans le système social. L’explication provient de la notion d’immortalité. Comme celle-ci est inaccessible de manière effective, le système social tente de la créer par effacement. Rien n’est modifié, rien n’est modifiable car tout est parfait dans le présent. Ainsi ce présent idéalisé permet d’accéder indirectement à une forme d’immortalité. Seulement cette immortalité n’a que faire du temps puisqu’il est dépourvu de sens pour elle. De plus, cette immortalité, si elle avait conscience du temps, comprendrait qu’elle ne cesse de vieillir. Seulement ce concept n’est pas attractif. Le système social est toujours basé sur la jeunesse, d’une part car elle ne sait pas encore, d’autre part car elle ne saura jamais, et enfin elle est la négation de l’ancien. Or une des caractéristiques de l’humanité, ne serait-ce que par l’existence des civilisations, est justement l’ancien. Car seul l’ancien a traversé le temps. Le jeune n’est pas temporel. Sans l’empreinte du temps, la mémoire ne se charge pas d’humanité. Le système social ne veut pas des machines de Wiener, il préfère des machines de Turing et encore il n’a besoin que de celles qu’il faut réinitialiser. Il veut éviter les boucles temporelles et les enclaves de la mémoire car toute sa puissance se base sur le présent et l’oubli. Car pour lui, le présent de l’oubli, c’est l’oubli du présent. En réalisant que le système social qui ne se réalise qu’à l’encontre de l’humanité, exècre le temps, nous comprenons combien cet élément est important dans l’humanité. En effet, cette dernière telle une mosaïque temporelle, ne s’appuie que sur les tesselles qui constituent un ensemble. Si celles-ci sont des singularités, leurs relations engendrent une structure ouverte qui sert de substrat à l’existence de l’humanité. Pour le système social, les schémas mentaux sont des cibles. Pour l’humanité, ces cibles ce sont les victimes et les justes.