3103 - Humanitas et Tempus V
N. Lygeros
Nous ne choisissons pas la société dans laquelle nous naissons. Ce truisme est à la base de bien des problèmes pour les hommes. Ces problèmes sont parfois si importants que nous choisissons finalement de vivre dans cette société sans réaliser qu’il ne s’agit que d’une survie dans un segment temporel linéaire dépourvu de liberté de pensée. Alors le monde se transforme en un univers de Kafka où l’incompréhensible et l’arbitraire font la loi. Et même une révolte camusienne ne fait que montrer l’importance de l’absurde même si la suprématie de celui-ci peut être remise en question par la conscience de l’existence de l’absurde. Une manière plus humaine d’interpréter cet absurde consiste à dire qu’il correspond à l’acceptation de vivre dans une société que nous n’avons pas choisi et dans laquelle tout est régi par le système. Seulement, pour les hommes, le choix de vivre dans cette société n’est pas nécessaire et encore moins indispensable. Pour l’humanité, il ne correspond à rien, si ce n’est l’acceptation de la suprématie de la société sur elle. La conscience de ne pas appartenir uniquement à cette société, est déjà une première étape dans la libération de l’homme du joug de l’absurde. La révolte via le refus de la dictature sociale, n’est que la seconde étape. Car il est ensuite nécessaire de comprendre la nécessité de créer pour l’humanité. Même si nous représentions celle-ci uniquement comme un champ, il faudrait comprendre les hommes comme des réductions paquet de leur fonction d’onde humaine. Dans un autre cadre, il nous faut saisir l’arbitraire de la société en termes de positionnement. Nous sommes peut-être des pièces placées sur un échiquier social seulement nous ne devons pas nous intéresser à la phase de la partie ou même à quelle partie nous jouons mais aux joueurs. Une vision locale des choses n’offre que bien peu de perspectives. Car elle subit le problème de l’horizon. Incapable de voir au-delà, elle considère que cet au-delà n’existe pas. Or à l’échelle de l’humanité, seul l’au-delà a une importance réelle. L’acceptation de l’appartenance à un segment linéaire du temps ne permet aucune manœuvre tactique et encore moins stratégique. Tandis que la conscience de l’appartenance à l’humanité, évacue le problème de l’horizon. Nous ne travaillons que dans un cadre qui n’est accessible que pour l’œuvre. Et c’est en ce sens, que l’œuvre crée l’être. L’être devient être humain via l’œuvre qui constitue un apport pour l’humanité. Nous entrons donc dans le schéma mental suivant : un impact local peut avoir des répercussions globales. A l’instar de la stratégie militaire où un mouvement est considéré comme bon lorsqu’il provoque des ennuis à l’ennemi selon la terminologie du joueur d’échecs Emanuel Lasker, nous devons donc choisir cette fois, les actes qui ont des répercussions sur l’humanité si nous voulons vraiment devenir humains.