6378 - Lettre à un ami anglais
N. Lygeros
Traduction : M. Martinez
Je pense à vous depuis quelque temps et aujourd’hui, j’ai décidé de vous écrire. J’essaie de comprendre les actions du passé et je suppose qu’il serait préférable d’en parler avec vous. Nous avons tellement à dire, n’est-ce pas ? Je pense à nos patries… à ce qui nous unit et à ce qui nous divise. Cela peut bien sûr ne pas être important pour un pays riche, mais vous savez comment est la situation dans le pays du soleil et vous comprendrez sûrement que nous prêtions attention aux détails, car en fait nous n’avons rien d’autre. Je me demandais donc, si vous vous souveniez du bruit de la scie sur le marbre. J’espère que je ne vous trouble pas, je voulais simplement vous dire qu’elle tourne dans mon esprit comme une toupie et que cela ne me laisse pas en paix. Vous savez ici nous connaissons bien l’usure du temps sur les ruines construites par l’homme, mais nous interprétons tout cela à notre façon. C’est la relation de l’humanité et du temps, rien de moins, rien de plus. Mais la scie est différente. Elle laisse les traces de la barbarie sur la pierre du soleil et cela ne peut que nous blesser. Et vous, vous savez combien. J’ai pensé, alors, au coupable et à la culpabilité. Certains sont coupables, parce qu’ils ont commis un crime. Certains ont des culpabilités, parce qu’ils ne l’ont pas arrêté. En tout cas il n’y a aucune raison de poursuivre cette accusation, et ce sentiment. Essayez de parler aux vôtres et je ferai de même. Il s’agit d’un processus de réparation. Il suffit que nous le voulions tous les deux. Pourquoi mon peuple devrait se sentir spolié ? Pourquoi votre peuple devrait être l’héritier d’une barbarie ? Les marbres ne sont pas seulement des objets mais des symboles. La Caryatide n’est pas seulement une statue, mais une femme. Ils appartiennent tous à un pays qui n’est pas seulement un site d’exposition. C’est son histoire qui a façonné le marbre, la pierre de lumière. L’Europe est née ici, vous le savez et le respectez. Pensez-y et vous verrez que ces détails sont les morceaux de notre histoire, les fragments de notre passé. Nous qui vivons dans le même présent ne pouvons changer le passé, mais nous pouvons créer l’avenir dans le Musée de Nouvelle Acropole. La question n’est ni politique, ni diplomatique, c’est juste une question de volonté. Et je sais que vous souhaitez par-dessus tout le bien de l’humanité. J’attends votre réponse avec impatience.
Votre ami grec.