4428 - Περί κομμένων λουλουδιών της Αρμενίας
Ν. Λυγερός
Μετάφραση από τα γαλλικά: Κάτια Ρωσσίδου
Lorsque les femmes reçoivent des fleurs, combien d’entre elles sont conscientes de la différence entre celles qui sont coupées et celles qui sont en pot? En effet, dans la société de l’oubli et de l’indifférence, cela n’a aucune importance. Et pourtant sur le plan humain, la différence est fondamentale car elle se situe au niveau des racines. Sans celles-ci, les fleurs sont condamnées à mourir. Ainsi l’offre est celle de la mort. De 1894 à 1923 les arméniennes n’étaient que des fleurs coupées par la barbarie des régimes autoritaires d’Anatolie? Etait-ce l’unique bonté de la barbarie ? Chaque génocideur offrait à sa société barbare un bouquet d’arméniennes. N’étaient-elles donc que cela? Certainement pas! Certains d’entre eux ne voyaient en elles que des mauvaises herbes qu’il fallait déraciner pour qu’elles n’envahissent pas la pureté ottomane. Voilà pourquoi les fleurs sauvages d’Arménie si chères à notre infatigable Louise, représentent des points de résistance de l’arménité face au néant de la civilisation. Les fleurs coupées arméniennes sont les victimes du génocide que nous tentons encore de nos jours de faire reconnaître par la communauté internationale face au mépris du régime turc. Sans doute de les couper ne lui suffisait pas. Il voulait en faire uniquement de l’engrais, du fumier végétal. Seulement ces fleurs coupées, contre toute attente n’ont pas pourri avec le temps, car le temps est avec nous, aussi impensable que cela puisse paraître. Car le crime contre l’humanité est imprescriptible non seulement pour l’humanité dont la barbarie se moque mais aussi pour le droit international. Il semble donc que ces fleurs coupées à qui la barbarie a tranché la vie ont décidé de ne pas mourir dans notre mémoire afin de nous obliger à condamner les bourreaux. Elles appartiennent à notre conscience collective malgré la volonté de la barbarie de l’oubli. Comme des fleurs séchées, elles sont inséparables de notre décor. Elles hantent nos maisons, comme les Khatchkars nos plaines. Elles nous protègent de nous-mêmes et de la facilité que nous avons à oublier la mort afin de vivre, sans réaliser que cela est tout simplement impossible pour des êtres humains. Car c’est cela que nous sommes avant tout. Nous ne pouvons nous contenter d’être des êtres sociaux ou politiques. L’humanité est bien au-delà de ces détails de circonstances qui n’ont qu’un sens éphémère. Les fleurs coupées arméniennes ne cessent de rappeler à notre mémoire qu’autrefois elles poussaient sur nos terres. Aussi leur existence même à des milliers de lieues de leur origine ne nous montre pas l’oubli ou la décadence d’un peuple sans mémoire, mais l’existence d’une terre sacrée de nos ancêtres qui ne peut oublier l’essence des fleurs arméniennes. Car elle embaume encore le parfum de l’arménité malgré la puanteur de la barbarie de l’oubli.