5735 - Des idéologies totales aux solutions finales
Ν. Lygeros
« Dans un système totalitaire, l’idéologie suscite des comportements qui peuvent nuire à la puissance de l’État : dans l’Allemagne nazie, la politique, la politique antisémite a privé le Reich d’une partie de son élite scientifique ; dans la Russie stalinienne, les purges ont désorganisé l’armée, la collectivisation a ruiné l’agriculture, engendrant des facteurs d’affaiblissement dont l’un a été sanctionné à court terme (avec les défaites de 1941 face à l’Allemagne) et l’autre a constamment handicapé le régime jusqu’à son écroulement final en 1991. » Coutau-Bégarie.
Dans les deux cas extrêmes traités par Coutau-Bégarie qui ont mené d’une part au génocide des Juifs (6 millions de génocidés) et d’autre part au génocide des Ukrainiens (7 millions de génocidés), nous voyons que les idéologies totales n’ont pu mener qu’à des solutions finales. Cependant, la réalité est bien plus rude, car ces idéologies sont nées prétendument pour résoudre des problèmes économiques. Or sous ce prétexte accepté aisément par les masses et expliqué à celles-ci si ce n’était pas le cas, ces idéologies totales ont créé un problème à l’échelle de l’humanité. L’autre point fondamental de cette situation, c’est que ces deux génocides n’ont permis à aucun de ces systèmes de survivre réellement à partir du moment où ils ont désiré jouer un rôle à l’échelle de la planète. Par contre la Turquie qui n’est pas entrée dans ce schéma, continue à exister en tant que système malgré le génocide des Arméniens (1,5 million de génocidés). Cela signifie qu’une idéologie totale lorsqu’elle est restreinte à un niveau qui, sans être uniquement local mais en tout cas pas global, perdure malgré le génocide commis pour réaliser cette structure. Cela semble une échappatoire qui permet d’éviter l’application d’un théorème global qui serait nuisible. Cependant ceci est non seulement inadmissible mais intolérable. Voilà pourquoi il est nécessaire de renforcer nos moyens de résistance en exploitant des mix stratégiques sans nous contenter d’un processus linéaire compartimenté qui ne permet pas d’accélérer l’ensemble du processus de réparation. En présence d’une idéologie totale, qui utilise tous les moyens permis dans le cadre d’une stratégie totale, il est nécessaire d’effectuer une analyse rétrograde – au sens informatique du terme, une synthèse holistique – au sens cognitif du terme – et de mener une action non conventionnelle. En d’autres termes, nous nous retrouvons dans le cadre d’une petite guerre de la mémoire au sein d’une paix de l’oubli. Voilà pourquoi les justes de la mémoire et les guerriers de la paix doivent être les mêmes hommes pour lutter efficacement contre le système né de la destruction systématique. Car la Turquie n’est pas née des cendres de l’Empire Ottoman. Elle s’est créée de toute pièce à partir des ossements des victimes de son crime contre l’humanité. Seulement qui d’autres que les justes osent le crier à la face des sociétés de l’indifférence.