8306 - Valeurs européennes et principes turcs
N. Lygeros
La problématique de la pénalisation de la négation des génocides reconnus n’a pas seulement le mérite d’obtenir un premier résultat tangible dans un contexte politique difficile, mais aussi de mettre au clair les différences qui existent entre les valeurs européennes et les principes turcs. Il est vrai que ces derniers temps certains d’entre nous pensent que la démocratie est un système politique qui a le vent en poupe. Il n’en est rien évidemment comme le savent très bien les stratégistes. Néanmoins, elle est capable de contrer et de mener à mal certains systèmes autoritaires qui prétendent être ce qu’ils ne peuvent soutenir. En disant cela nous ne parlons pas bien sûr de leur façade de démocratie qui ne peut tromper que la naïveté politique mais de leur volonté à paraître une force digne d’être considérée pour les autres. A ce sujet, il est intéressant de se rappeler de l’idée qu’il vaut mieux agir que d’annoncer une action qui ne sera pas réalisée par la suite. Certains d’entre nous pensent, un peu moins sans doute ces temps-ci, que la diplomatie turque est de grande envergure. Ses affirmations lamentables les ont détrompés de la manière la plus brillante qui soit. Par ailleurs il est opportun de rappeler à ceux qui l’oublient que lorsque la politique donne des leçons, elle devrait mentionner l’article du code pénal turc qui punit d’emprisonnement toute référence au mot génocide. En Turquie, le génocide n’existe pas, c’est une question de principe et nul ne doit y déroger. Bien sûr le massacre est permis. En réalité, pour les innocents qui ne l’ont pas encore compris, si le génocide n’est pas usité comme terme en Turquie, c’est tout simplement car il concerne une activité très courante dans l’histoire de ce pays. Le génocide est simplement un processus de mise en place d’une structure étatique lorsque le pays pense qu’il a trop d’étrangers et en particulier non musulmans, alors c’est la technique la plus adéquate. Voilà pourquoi l’état turc est si surpris des décisions de la France. Il a l’impression que nous sanctionnons une appellation d’origine contrôlée. Cela fait des siècles que l’Empire ottoman s’est stabilisé grâce aux massacres, les gouvernements des Jeunes Turcs étaient simplement plus performants et a accédé au rang de génocide. Cependant, ils ne représentent qu’une continuation, achevée par l’apport de Kemal, rien de plus. Aussi les principes turcs ne peuvent être comparés aux valeurs européennes. En réalité, la Turquie est une victime de sa propre réputation dans les siècles car c’est l’histoire qui l’accuse.