590 - Sur la polycyclicité du temps
N. Lygeros
Dans l’inconscient collectif occidental, le temps est doté d’une direction et d’une structure linéaire. Cette manière de le considérer correspond à l’influence judéo-chrétienne lorsque celle-ci est analysée de façon élémentaire. Car même si la religion judéo-chrétienne utilise explicitement des éléments temporels linéaires, il n’en demeure pas moins que sa structure profonde évolue dans un temps qu’il serait difficile de caractériser autrement que par l’épithète cyclique. L’apparent paradoxe provient de la coexistence de transformations irréversibles et de phénomènes périodiques. Certaines cultures et religions s’attachent plus aux unes qu’aux autres et donnent l’impression d’être contradictoires et antinomiques. En réalité, l’évolution de nos connaissances dans les systèmes dynamiques chaotiques et l’explicitation de l’existence d’attracteurs étranges, résout de manière effective et élégante ces prises de positions extrêmes. Dans la complexité dynamique tout est plus simple car les effets de bords permettent des trangressions impensables autrement.
La clef de voûte structurelle des scénarios : Les ombres de la tour et A la croisée du bleu est représentée par la polycyclicité du temps et le caractère incertain de ce dernier. A l’instar des inégalités d’Heisenberg sur l’énergie et le temps, nous mettons en évidence une indétermination intrinsèque temporelle due au caractère auto-similaire de temps. Celui-ci étant semblable à lui-même à des changements d’échelle près, il est pour ainsi dire impossible d’établir dans quelle échelle nous nous trouvons, en d’autres termes dans quel cycle évolue la situation mentale de chacun des personnages qui se croisent dans l’oeuvre holistique. En exploitant la polycyclicité de certains d’entre eux en raison du changement temporel conforme qui conserve la mémoire, nous créons une situation en apparence paradoxale due à l’incapacité d’autrui de caractériser la phase temporelle.
A travers ce procédé qui peut sembler artificiel à certains, nous montrons explicitement que la coexistence de différentes phases temporelles n’engendre pas de paradoxes fondamentaux. De plus, il devient alors clair pour quelle raison certains individus voient dans le temps une entité linéaire et d’autres une entité cyclique. Via l’attracteur étrange et son caractère auto-similaire, le temps semble plus ou moins cyclique. Localement, il est toujours linéaire, globalement, il est cyclique et holistiquement, il est polycyclique.
La richesse structurelle du temps permet d’englober les divergences culturelles et religieuses. Seulement nous n’en sommes qu’à des balbutiements dans notre compréhension de cette dimension que nous considérons sans espace. En effet, il est peu vraisemblable que le temps soit aussi simple que nous le pensons. Initialement considéré comme une entité indépendante avec la théorie de Newton, il est devenu inséparable de l’espace avec l’apport de la relativité d’Einstein. A présent que nos modèles théoriques se sont complexifiés pour expliquer plus de phénomènes nous appréhendons le temps de manière plus stratégique. Il ne se donne pas facilement car il est nulle part tout en étant partout : son omniprésence est cryptique. A travers la polycyclicité nous avançons dans notre compréhension de nos divergences cognitives, cependant nous devons fournir bien des efforts pour concevoir cette entité complexe et si essentielle à notre existence. Car il est certain que la maîtrise du temps, au sens large du terme, représente sans doute le plus important des enjeux de l’humanité.