628 - Des principes aux lois
N. Lygeros
L’un des problèmes les plus cruciaux de la physique théorique, c’est la découverte des lois et l’établissement des principes. Ce problème est si difficile que bien souvent il peut-être résolu dans un cadre strictement théorique et l’approche expérimentale est nécessaire. Cependant même si cette nécessité est présente dans l’heuristique de la théorie, elle doit par définition disparaître par la suite au moment de la conceptualisation de la théorie. Une fois mis en évidence les principes de la théorie, le chercheur doit s’efforcer d’établir de la manière la plus rigoureuse possible les liens de compatibilité avec les lois même si ces dernières ont été exploitées en premier. Pour parvenir à cela, de manière consciente ou pas, le théoricien va exploiter un modèle mathématique. C’est ici qu’intervient le travail de traduction pour employer la terminologie de Michel Mizony. Tout d’abord il y a la version qui consiste en la codification des principes physiques en axiomes mathématiques. Bien que les théoriciens se gardent de mentionner que cette version n’est pas neutre, il est nécessaire pour nous d’insister sur le fait qu’il s’agit bien d’une traduction avec tous les défauts que cela puisse comporter i.e. mots intraduisibles, nécessité d’explication périphrastique, faux amis, fidélité structurelle (opposition du sens littéral du mot avec celui de la phrase). Lorsque cette version est achevée via la déduction i.e. ensemble de preuves, des axiomes nous aboutissons aux théorèmes. Cela n’implique pas que l’heuristique des théorèmes soit nécessairement déductive à partir des axiomes. En réalité, et ce de manière générale, la découverte des théorèmes est plutôt due à des principes d’induction et parfois même d’abduction (créative, hypercodée, hypocodée) même si au final nous ne regardons que la preuve déductive. Et dans cette version nous ne garderons que ce dernier point. Le physicien théoricien ayant alors à sa disposition des théorèmes peut effectuer son thème pour obtenir les lois désirées. Ces dernières via ce biais mathématique sont donc compatibles avec les principes initiaux. Ainsi la succession d’opérations mentales à savoir la version, la preuve et le thème permet au physicien théoricien d’avoir à sa disposition un schéma formel qui prouve la compatibilité des principes avec les lois. Cela bien sûr ne signifie pas pour autant que ces lois sont uniques et qu’une autre traduction n’aurait permis les découvertes d’autres lois. Les lois obtenues ne sont qu’une dérivation possible des principes. Ainsi cette approche qui permet d’éviter l’outil expérimental dans la phase de formalisation, montre via son existence que nous ne pouvons prétendre à une unicité de lois que lorsque toutes les étapes sont bijectives. Cependant cette utopie théorique ne peut être réalisée en physique puisque même dans le meilleur des cas nous n’avons qu’une connaissnce partielle des connaissances nécessaires à l’établissement de l’unicité. Par contre, il est intéressant de constater de cette manière de procéder sur le plan strictement logique consiste en un cut-off. Il s’agit d’un véritable raisonnement non uniforme qui permet d’éviter l’obstacle qui existe entre les principes et les lois. Mais nous nous devons d’insister sur le fait que ce raisonnement dépend intrinsèquement du modèle mathématique considéré qui n’est pas obtenu de manière déductive. Dans cette phase nous retrouvons donc le principe de Henri Poincaré à savoir le pluralisme théorique. Ce dernier bien que passé sous silence pour des raisons non nécessairement scientifiques, est un point fondamental de la modélisation mathématique d’un phénomène physique. Ainsi via ce raisonnement non uniforme nous voyons qu’entre les principes physiques et les lois physiques, il existe le pluralisme théorique mis en évidence par Henri Poincaré dont l’existence montre la difficulté intrinsèque de cette manière de procéder : la difficulté peut être surmontée mais son existence est incontournable.