635 - Le petit-fils du voleur (4)
N. Lygeros
Traduit du Grec par l'auteur
Le feu brûlait le dernier livre. Le petit voulait le sauver mais il n’osait pas s’approcher et le feu le repoussait. C’était le dernier combat du livre. Le petit entendait la feuille, le bois, l’arbre qui brûlaient avec le livre. Pourtant, en un instant, quand le feu le brisait, le livre s’ouvrit en deux et quelques feuilles s’échappèrent. Le petit pleurait de joie quand il attrapa les trente feuilles. C’était si soudain. Il les mit toutes ensemble sur sa poitrine comme s’il tenait une icône, l’icône de son grand-père disparu. Il ne lui restait rien de lui excepté le livre. C’est pour cela que les autres l’avaient brûlé. Ils voulaient éteindre chacune de ses traces dans le feu. Cependant le livre résista et maintenant le petit sentait la chaleur des feuilles sur son corps. La mémoire de son grand-père le brûlait. Le dernier combat du livre s’était achevé et le petit s’agenouilla. Il regardait le plancher, il ne voulait pas voir la cendre dans la cheminée. A cet instant devant les cendres du livre il fit le serment de sa vie. Non seulement il rechercherait son grand-père mais il écrirait son histoire. Avec les trente feuilles viendrait à nouveau le printemps. Il se releva précautionneusement, il était désormais seul dans la maison. Pour que vivent son grand-père et sa mémoire il devait mourir lui aussi dans l’oubli. A présent il n’avait plus peur du feu. Il s’approcha et s’empara d’un bois en flammes et le jeta sur son lit. Celui-ci prit immédiatement feu et brûla sa jeunesse. Le petit mourut à cet instant et naquit l’autre, celui qui ne craignait pas le feu, le petit-fils du voleur. Ses yeux lançaient des flammes. Ils étaient venus jusqu’ici pour éteindre la mémoire, il irait l’allumer jusqu’aux confins du monde. Il écrirait avec une encre noire le destin des autres. Derrière lui toute la maison était entourée de flammes. C’était ici la fin de la vie et c’était ici que serait le commencement de la mort. Il avait volé au feu les morceaux de lumière et maintenant il marchait seul sur cette terre qui l’avait fait naître, sur cette terre pour laquelle il mourrait. Maintenant il le savait.