646 - Corps à corps (11)
N. Lygeros
Traduit du Grec par l'auteur
Le voleur, le mort, brisa la petite fenêtre de sa tombe, étendit sa main pour toucher la rose du soleil. La première fois il n’y parvint pas. Et puis il essaya encore. Alors le verre s’enfonça dans son bras, son sang se remit à couler mais il ne le vit pas. Il ne regardait que la rose. Cela faisait des années qu’elle attendait et quand il la toucha, elle rougit comme avant. Alors ses épines ensanglantèrent ses doigts et il lui sourit. Rien n’avait changé. Peu à peu, il sentait à nouveau la force de la passion. C’est elle qui leva la mémoire de pierre et les trois doigts de la foi touchèrent à nouveau le ciel. Ils l’avaient enterré avec ses armes et à présent avant de livrer sa nouvelle bataille il les regarda attentivement. Il avait encore l’épée brisée de son ami. Il l’embrassa comme il le faisait dans le temps et s’agenouilla devant la rose. Il fit couler sur elle son amour ensanglanté et quand il leva les yeux son regard se cloua sur le soleil de la justice. Lui aussi était prêt pour ce combat. Il savait que l’attendaient des résistances, des tourments et des sacrifices mais il ne fléchit pas un seul moment. Il coupa une rose pour prendre avec lui les trente baisers du soleil et commença à descendre le chemin avec les gardiens de pierre. Il devait partir une fois encore de la petite île du lac. De l’autre côté de la rive l’attendaient les années disparues. Ils s’étaient vêtus de leurs habits noirs mais lui il les déchirait même si pour cela il devait les blesser, même s’il devait se blesser pour cela. Quand il revit son lac bien-aimé il ne put se retenir. Il voulait le sentir sur son corps et plongea nu dans les eaux limpides. Et celui-ci lava le linceul de son âme, son corps blessé. Dès qu’il sortit il remit ses armes sur son corps nouveau. Sur ses lèvres il garda le goût du lac comme il gardait le baiser de sa femme. C’est elle qu’il avait devant son regard quand il revit sa patrie. Il voulait encore voler la nuit avec elle et c’était ce qu’il ferait.