652 - Les frères de sang de la nécessité (12)
N. Lygeros
Traduit du Grec par l'auteur
Durant quarante jours et quarante nuits, ils luttèrent côte à côte contre les Turcs, sur la terre gelée. Le soleil les avait oubliés. Seule leur terre voulait les garder pour toujours avec elle. L’un était les yeux de l’autre et l’autre était les mains de l’un. Personne n’avait osé les séparer. Chacun avait choisi son frère et ils étaient devenus frères de sang. Même au combat la mort avait peur d’eux. Seulement ce jour-là, le cheval noir tomba et son ami se blessa. Le voleur courut de toutes ses forces et hurla pour que prennent peur les lâches qui tentaient d’exploiter cette occasion. Il courait et ses yeux pleuraient de douleur et de colère. Tous le frappaient de toutes parts et son épée se brisa. Il regarda autour de lui mais les siens étaient loin. Il comprit qu’ils emporteraient son corps avec eux et il appela son ami, le voleur terrible. Quand ils entendirent le nom de celui qui courait sur eux, la plupart firent un pas en arrière mais les plus fourbes avec la lame courbe frappèrent deux fois sur le côté son ami bien-aimé et celui-ci s’écroula mort. Ils commencèrent à le traîner vers l’arrière pour que le voleur ne puisse les frapper. Seulement celui-ci tomba sur eux comme la foudre. Ses balles traçaient le signe de la mort et son épée coupa les fils de la vie. Il combattait contre eux, mais il voyait le regard mort de son ami. Ses yeux étaient ouverts, cloués au ciel. Sa main tenait encore l’étrange poignée. La mort n’avait pu la lui voler. Il avait enfoncé son épée brisée dans la terre gelée. Il ne voulait pas la laisser, même mort. Le voleur le vit et son coeur se fendit. Il poussa un dernier cri et il acheva les derniers fourbes. Personne n’était venu les aider. Tous virent le monstre du combat soulever son ami et le prendre dans ses bras. Chacun de ses pas était lourd et blessait la terre. C’est alors que commença le thrène du gardien de la mémoire.