689 - Poignées de lumière (19)
N. Lygeros
Traduit du Grec par l'auteur
Comme ses amis le savaient, elle aussi le savait. Le voleur viendrait les chercher où qu’ils soient. Il ne leur avait fait aucune promesse. Mais sa vie entière était une promesse et tous le savaient. Bien qu’ils aient appris sa mort, tous l’attendaient. La mort ne pouvait lui résister. Toutes les poignées de vie vivaient dans l’espoir de sa venue. Seulement lui, comme l’espoir, n’espérait rien. L’avenir serait son oeuvre. S’il le fallait, son âme, comme le lac gelé, soulèverait le poids d’une armée. Même mort, il enlaçait la vie. En vie, sa blessure était une caresse. Sa main était une poignée de lumière au milieu de la nuit. Tous le savaient mais elle, le ressentait. Il avait livré le combat des corps et elle avait ressenti la force de son amour. Chacune de ses pensées savait combien leur couple n’était qu’un seul et même être. Mais à ces moments où les corps devenaient un dans la nuit de l’occupation, où se brisaient leurs frontières, elle ressentait la solitude de son humanité. Et là-bas où les relations n’existaient plus elle voyait l’étendue de son monde. Tous les cris de la haine se taisaient face à la force du silence. Dans ses mots à elle et ses pensées à lui, revivait encore leur patrie. C’était sa vie à lui et ses pensées à elle. L’occupation avait peut-être volé les étoiles de sa patrie, elle savait que son alter ego, le voleur de nuit les rapporterait à nouveau une par une même s’il fallait brûler les poignées de vie.