780 - Sous les arcades du ciel
N. Lygeros
De tout temps dans ce pays, le ciel avait été proche des hommes. Tout le monde le savait sans pour autant l’expliquer. Mais ce jour-là, en marchant dans une ruelle, il regarda les courbures des arcades. Elles recouvraient toute la montée. Avec le temps, elles étaient devenues le ciel de pierre. Un ciel sans nuage, toujours identique à lui-même. Il en émanait une douceur de vivre même si cela semblait être une condamnation. Certains auraient pu voir dans cette ruelle, une sorte d’immense cachot mais lui savait qu’il n’en était rien. La ruelle protégeait les hommes comme une mère, son enfant. Elle prenait soin de leur passage même s’ils ne lui prêtaient pas attention. Elle les enlaçait de ses arcades. Elle était le lien nécessaire, celui qui unissait la douceur des maisons sans gêner le passage des hommes. Elle les accompagnait sans les déranger comme si elle avait été l’ombre de leur existence. Néanmoins sur cette terre du soleil, les hommes n’avaient pas d’ombre. Gorgés de lumière, ils se déplaçaient sous la chaleur du ciel et ces arcades représentaient pour eux un moment de répit comme pour mieux les préparer à leur second voyage. Il voyait sans regarder et ne put s’empêcher d’admirer la légende des siècles. Sans pouvoir pénétrer les maisons du regard, il s’attardait sur les détails des arcades attiré par ces énigmatiques croisées. Il n’avait pas besoin de croire en la beauté du ciel, il la voyait. Il était si bas qu’il semblait humain. Ces arcades étaient le ciel des hommes et cela leur suffisait. Comme si le divin avait compris son rôle et était devenu ce qu’il aurait toujours dû être : humain. Ici les hommes pourraient toucher du doigt l’humanité. Tout était à portée de main même si leurs bras ne cessaient de porter le fardeau de la vie. Comme si toute leur existence n’était qu’une poignée de vie. Dans cet univers clos, toutes les portes étaient entrouvertes sur le monde. Chaque pas pouvait conduire à l’essentiel. C’était le choix de chacun de s’éloigner de la ruelle au moment qu’il jugerait opportun. Il évita de faire ce choix et continua à marcher dans la ruelle d’antan, comme pour remonter dans le temps, à cette époque où le ciel et la mer ne faisaient qu’un, à cette époque où tout n’était que pierre et où les hommes taillaient les vagues pour en faire des ruelles et le ciel pour des arcades.