889 - Les carottes sont cuites
N. Lygeros
Il avait beau s’être mis sur son trente et un, ils l’avaient mis au pied du mur. Il en connaissait un rayon sur eux et il savait qu’ils avaient le bras long. Maintenant il était à leur merci, au bout du rouleau. Tout cela était tiré par les cheveux, il en avait conscience mais que faire.
Au cours de la première rencontre, il avait eu le trac même s’il avait cru être d’attaque. Ils avaient voulu casser la graine, manger un morceau quoi et puis il y avait eu ce coup de théâtre. Il en était resté baba. Il avait voulu donner le change mais ils l’avaient pris en grippe. A présent, il riait jaune. Ils lui avaient mis les points sur les i.
Il voulait leur fausser compagnie mais ils comprirent qu’il voulait filer à l’anglaise. Il était en nage. C’était la fin des haricots. Il travaillait au noir mais comme il était connu comme le loup blanc, ils l’avaient coincé.
Tout cela avait commencé par une phrase, une simple phrase : “Les carottes sont cuites.” Il avait cru faire un bon mot mais il avait fait choux blanc. Il avait tenté de changer son fusil d’épaule mais ce n’étaient pas des gars à avaler des couleuvres. Leur réaction n’avait pas été piquée des hannetons, en deux temps trois mouvements, ils avaient commencé par casser du sucre sur son dos et cela lui sembla long comme un jour sans pain. La rencontre avait tourné au vinaigre et cela lui avait donné la chair de poule. Il avait passé un sale quart d’heure. Ils lui avaient dit qu’il filait du mauvais coton. Il n’avait pas compris comment il était entré dans cette auberge espagnole et ne savait comment se sortir de ce guêpier.
Il avait beau lire et relire ce texte, il lui semblait qu’il ne parvenait à découvrir son sens caché. Avait-il à faire face à de l’écriture automatique ou à un jeu de langage, il ne le savait pas. Il n’était certain que d’une seule et unique chose. Le texte avait une inspiration kafkaïenne. Il ressentait en lui l’atmosphère glauque du procès malgré l’aspect drôle de sa forme. C’était ce mélange qui l’inquiétait le plus. Car il lui donnait l’impression que l’auteur n’avait pas pu s’exprimer librement. C’était un message codé.