1057 - Des mots et des codes
N. Lygeros
Dans la théorie des mots, nous avons des mots autoréférents et même superautoréférents comme le mot de Kolakovski. Ce dernier peut être interprété comme un code dont la lecture est son propre décodage. En ce sens il s’agit d’un code ouvert mais dont l’ouverture provient de la nature autoréférente du code. Nous pouvons donc dire qu’il existe en soi sans aucune autre raison. Cependant il est aussi possible de l’interpréter comme un code dont la signification est elle-même codée par ce code. Ainsi le code autoréférent peut être interprété comme un métacode. Pour être plus concret même si cette expression n’est pas nécessairement adéquate, considérons un système de codage à clef ouverte. Celui-ci existe indépendamment du contenu du message initial aussi ce dernier peut malgré l’aspect superficiel de cette idée être la description du codage et d’une certaine manière il s’agirait d’une information nulle puisque celle-ci est nécessaire pour le décoder. Cependant il pourrait très bien s’agir de déclarer les deux premiers nombres premiers utilisés pour fabriquer la clef du code. Grâce à cet exemple, nous voulons mettre en évidence que l’autoréférence n’est pas nécessairement dépourvue d’information. De même, cette approche montre qu’il est important de ne pas contaminer le contenu du message par l’information que nous souhaitons obtenir car nous avons alors un problème d’interprétation comme le montre l’existence de l’autoréférence.
A travers ce type de questions nous voyons qu’il est naturel de passer de la théorie des mots à la théorie des codes sans pour autant que cela n’implique un changement radical en termes de mentalité. Néanmoins les conséquences de ce passage sont importantes en termes herméneutiques. Car autant les mots semblent vides de sens du point de vue de la théorie, autant les codes sont inexorablement associés à un sens caché qui doit être déchiffré. Ainsi les codes sont susceptibles par nature d’être considéré comme des éléments cryptographiques. Ce phénomène est non seulement naturel mais tout simplement historique et même diachronique puisque la nécessité de transmission pour des raisons stratégiques et polémologiques s’est très vite affirmée. Il est d’ailleurs utile de mentionner le fait que les codes ont été utilisés bien avant la formulation de la théorie. Ainsi le dogme dominant est bien de nature cryptique. De plus il se combine avec une autre tendance du cerveau humain à savoir la recherche d’un sens même par des évènements caractérisés par la théorie comme aléatoires. C’est d’ailleurs cette déviation qui engendre les différentes théories de complots puisqu’elles se construisent à partir d’éléments épars sans corrélation. Quant à leur puissance elle ne provient pas seulement de l’imaginaire des hommes mais aussi de leur incohérence logique. En comportant en elles des propositions contradictoires, elles peuvent démontrer n’importe qu’elle proposition.
Ainsi aussi bien la théorie des mots que celle des codes doivent être décontextualisées afin de les dégager de cet assemblage d’interprétations et d’herméneutiques. Du point de vue didactique cet effort est indispensable sinon nous risquons de voir les étudiants entraînés par des dogmes fallacieux.