1084 - Pythagore et Hilbert
N. Lygeros
Il peut paraître quelque peu étrange de comparer Pythagore et Hilbert que de nombreux siècles séparent pourtant via la restriction de l’apport cognitif nous pouvons mettre en évidence une forte analogie quant à la vision programmatique de l’évolution de la science mathématique.
La vision pythagoricienne et hilbertienne du monde présuppose l’existence d’une connaissance absolue et déterministe. Via l’axiomatisation totale du système, la partie permet de comprendre le tout car du point de vue formel, l’univers est clos à l’instar du calcul propositionnel dans lequel toute formule est décidable. Ainsi par couche successive et par descente, la restriction au noyau arithmétique et ensembliste pour l’un et l’autre permet de déterminer de manière complète l’ensemble des extensions possibles. Nous nous retrouvons dans les deux cas dans un schéma mental qui correspond à un raisonnement essentiellement linéaire même si son image se veut unificatrice. Dans ce cadre, l’induction n’est qu’une méthode intermédiaire et toute l’emphase se trouve dans la déduction pour ainsi dire systématique et surtout automatique. Aussi l’abduction est totalement absente de cette structure de pensée. L’autre similitude provient du fait que réellement aussi bien Pythagore que Hilbert avaient une bonne connaissance des mathématiques de leur époque et qu’ils avaient une opinion qui sera considérée par la suite par de nombreux mathématiciens comme une vision en d’autres termes un horizon intellectuel profond. Seulement dans les deux situations la faiblesse de leur système de pensée provient justement de l’absence de doute de sa puissance. Le système est omniscient et omnipotent et offre le sentiment de complétude. Aucun d’entre eux n’a pu prévoir l’échec de son système et surtout la mise en échec par sa propre structure en particulier celle de son noyau dur. En effet dans les deux cas, le système s’est effondré sur lui-même en raison de sa structure interne et non via des causes extérieures. L’irrationnalité de ou l’incomplétude de Gödel ne proviennent pas du monde extérieur quant à la pensée pythagoricienne d’une part et à la pensée hilbertienne d’autre part. Ces deux mises en échec proviennent d’un approfondissement ultraorthodoxe structurel mais combiné à un raisonnement non uniforme qui exploite la notion d’abduction. Le système à partir du moment où il est utilisé pour se coder lui-même et donc pour s’autodéfinir engendre non seulement des produits extérieurs mais aussi des structures autoréférentes qu’il ne peut gérer car elles sont axiomatiquement parlant et du point de vue métamathématique cette fois, équivalentes à des axiomes aussi elles échappent à l’appareil déductif classique.
Ainsi ce qui caractérise l’apport de ces deux penseurs c’est d’une part leur formalisme absolu qui a permis de définir clairement et de manière intrinsèque des notions fondamentales et d’autre part d’avoir été les initiateurs indirects de véritables révolutions mathématiques mais aussi cognitives. C’est en ce sens que nous considérons leur apport comme fondamental dans l’évolution des idées en mathématiques, en sciences et en philosophie.