1357 - Etat social et société étatique
N. Lygeros
Il existe un courant en systémique qui a tendance à identifier la notion d’état avec celle de société. Ce courant s’explique par certaines données historiques, en particulier par l’existence des systèmes totalitaires comme les régimes nazi, fasciste, communiste. Cependant il devient problématique à partir du moment où nous introduisons explicitement les notions d’état social et de société étatique. Car le système est équivalent à l’état mais pas à la société car celle-ci est la combinaison du système et de la masse. Tandis que la population comporte aussi des éléments irréductibles qui n’appartiennent ni au système, ni à la masse. La masse les ignore où plutôt ignore même leur existence. Tandis que le système tente par tous les moyens de les éliminer puisqu’ils représentent un danger pour sa stabilité. Car là où la masse cherche l’inertie, le système cherche la stabilité. Tandis que les éléments irréductibles sont fortement évolutifs et ne peuvent cadrer dans un carcan qui a été systématisé par la société. La masse vit uniquement dans le présent et c’est pour cette raison que le système ne produit que du présent. Pour cet ensemble, le futur n’est qu’un ensemble formel qui est la représentation fidèle du présent. Pourtant l’histoire existe et les sociétés naissent, se développent et s’éteignent. Alors comment expliquer l’existence du passé et du futur pour ce système qui les nient explicitement, d’une part en faisant table rase de toute structure précédente, et d’autre part en affirmant son éternité. En réalité, l’action des éléments irréductibles qui échappent au contrôle de la société est bien plus importante que nous n’aurions pu l’imaginer au départ. Ils agissent parfois comme des termites qui rongent la structure inerte et qui contruisent leur propres habitations dont l’architecture nous la laisse toujours pantois. Ils représentent les éléments diachroniques de l’humanité qui traversent le système et la masse sans pour autant être dénaturés par ceux-ci. Et c’est en ce sens qu’ils représentent des singularités et des anomalies pour toute approche systémique dont le noyau est le système qui se veut par définition clos afin de parer à toute intrusion. Du point de vue pratique, nous avons des exemples concrets avec les notions de logiciels payants et libres. Les premiers représentent le cas idéal pour une étude systémique, tandis que les seconds qui offrent un accès à leurs codes sont typiquement des structures ouvertes au sens de Eco. Par ailleurs même si la société peut être codée par la notion de magma de Castoriadis, ce n’est nullement le cas pour le système. Fermé sur soi, il ne permet pas l’existence de magma en son sein. Pour la systémique, la société étatique est un exemple idéal, un cas d’école pour ainsi dire, seulement il ne représente aucunement toute société. De même l’état social peut avoir un sens utile mais ce dernier ne peut être universel. Ces deux problèmes de fond mettent en évidence que l’identification de l’état avec la société que propose la systémique n’a pas de sens, n’est pas cohérente et ne représente qu’une aliénation de ces structures. Ce point de vue, réducteur par définition, ne peut mener à des bases solides pour construire une sociologie de fond. Il permet des études locales et la survie de certaines chapelles qui n’ont pas encore réalisé que leur propre fondement a été remis en cause par la réalité historique.