1369 - La reconnaissance de Chypre et la diplomatie française
N. Lygeros
Le rajout turc au protocole européen était un défi. Un défi que la France a su relever à travers l’intervention de son premier ministre qui a été aussi ministre des affaires étrangères. Comme nous le savons tous, la France n’est véritablement partie prenante pour la Turquie et cela remonte à des évènements qui font désormais partie de l’histoire. Cependant dans le cadre de la politique européenne, elle n’a jamais imposé de conditions préalables hormis des propos au sujet de la reconnaissance du génocide arménien et sans doute nombreux seront les spécialistes du problème à considérer qu’elle ne s’est pas donné tous les moyens pour défendre cette cause si importante. En ce qui concerne le problème chypriote proprement dit la France a toujours été relativement neutre même si nombre de ses intellectuels se sont élevés pour exprimer leur indignation face à l’invasion et l’occupation turques. Cependant cette fois, la diplomatie turque a dépassé les bornes de l’acceptable car comme nous l’avons indiqué dans un précédent article, le rajout turc revient à annuler la signature du protocole. L’intervention du premier ministre français est extrêmement importante car elle n’arrive pas après la bataille comme c’est bien souvent le cas en politique. L’Union Européenne n’a pas encore contresigné l’accord. Aussi le ton du premier ministre français qui intervient ici comme le fera par la suite le ministre européen des affaires étrangères, c’est celui de nombreux pays-membres. Seulement l’initiative appartient à la France. Car aucun autre pays-membre de l’Union Européenne, pas même la Grèce ou Chypre, n’est allé si loin dans cette juste revendication. Pour le moment l’Union Européenne s’était cantonnée et contentée de demander la signature du protocole acceptant ainsi une reconnaissance de facto et non de jure. Mais cette fois, suite au défi lancé par la diplomatie turque, la diplomatie française revient en force en recentrant le problème sur la reconnaissance et non seulement la signature du protocole. Et même si certains analystes pourraient penser qu’il s’agit là d’un mouvement diplomatique opportun certes mais de circonstance, nous voyons là une occasion effective pour mettre en évidence l’égalité de statut des pays-membres de l’Union Européenne. Comme l’a affirmé le premier ministre français, il est tout simplement inconcevable d’accepter l’entrée dans l’Union Européenne d’un pays-candidat qui ne daigne pas reconnaître l’ensemble de ses états-membres. Il ne s’agit pas seulement d’opportunisme politique mais de principe européen. La structure européenne qui cherche à se stabiliser dans un monde extrêmement mouvant, ne peut se permettre d’intégrer en son sein un pays qui ne respecte pas sa propre entité. La diplomatie turque aura beau répondre de manière rhétorique, la diplomatie a suivi la définition de Lasker : le meilleur coup n’est pas celui qui est le meilleur pour soi mais celui qui ennuie le plus l’adversaire.