1370 - Remarques sur la pensée européenne
N. Lygeros
L’intervention de la France sur le plan européen en ce qui concerne le problème de la reconnaissance de Chypre, est tout-à-fait révélatrice de ce que nous pouvons nommer pensée européenne. Comme c’est bien souvent le cas, pour saisir complètement le sens d’une notion, il faut soit en être privé soit faire face à son contraire. Et la question orientale revient de remettre à l’ordre du jour la notion que nous avions de l’esprit européen en voulant opposer et imposer son point de vue sur la question chypriote. Pourtant cette question est claire au niveau des Nations Unies puisqu’il existe déjà deux résolutions à l’encontre de l’invasion et de l’occupation turques. Cependant la Turquie non contente de bafouer les droits de l’homme à Chypre et de ne pas tenir compte des résolutions de l’ONU, tente à présent de modifier la structure même de l’Union Européenne via un point de vue impérialiste et expansif. C’est sans compter sur les principes de la pensée européenne. Ceux-ci tels qu’ils ont été mis en évidence au sein même de la Constitution Européenne et en particulier dans la Charte des droits fondamentaux ne correspondent aucunement à la mentalité turque. Ils sont basés sur une éthique qui prône l’égalité des hommes, l’égalité des peuples et des nations. Aussi il n’est pas seulement inconcevable de permettre l’entrée d’une entité qui ne respecte pas cette idée, c’est tout simplement impossible. En réalité, cette candidature bien particulière ne demande pas uniquement un compromis de la part de l’Union Européenne mais une véritable négation de sa pensée. Car Chypre est entrée dans l’Union Européenne comme un état à part entière. La République de Chypre représente au niveau international l’ensemble de sa population qui est composée de grécochypriotes, de turcochypriotes, de maronites, d’arméniens et de latins. Aussi les allégations turques sont purement et simplement fallacieuses. Elles correspondent à la volonté d’un régime militaire autoritaire qui considère les voisins de la Turquie comme des cibles potentielles et réelles de son expansion. C’est pour cette raison que la Turquie adopte à son tour la politique de l’espace vital. Après avoir épuré de manière éthique la surface de son territoire à l’aide de multiples génocides, elle tente de coloniser ses voisins comme elle l’a fait avec les îles d’Imvros et Ténédos. Elle pourchasse les Kurdes, elle maltraite les Arméniens, elle ne donne toujours pas de renseignements sur les 1619 Chypriotes portés disparus depuis 1974 mais elle désire entrer dans l’Union Européenne en étant la seule à ne pas reconnaître Chypre en tant qu’état. Cet ultimatum car il s’agit bien de cela nous rappelle le régime nazi et le régime fasciste mais nullement les structures démocratiques qui appartiennent à l’Union Européenne. Dans une Europe qui ne comprend pas nécessairement le mode de fonctionnement de l’Union Européenne, cet ultimatum a produit un impact initialement et un sursaut à présent. Les démocraties ont toujours du mal à se défendre contre les invectives des régimes autoritaires du moins jusqu’à un certain point. Une fois la limite franchie, les principes de la pensée européenne reprennent le dessus et protègent l’ensemble de la structure.