2017 - La problématique du discret
N. Lygeros
En analyse, une des notions les plus fondamentales, c’est celle de la continuité. Chaque étude, après le traitement de l’existence via la définition, entreprend la recherche de la continuité et ceci n’est pas réduit à l’étude des fonctions. Celle des groupes ou des opérateurs, est analogue. Il faut dire que bien souvent la continuité permet de régler les problèmes d’unicité. Elle sert de plus de substrat à tout un appareil analytique qui permet l’approfondissement des structures comme par exemple le calcul variationnel. Cette idéologie n’a pas manqué d’influencer la physique théorique et même expérimentale, tant elle était source de résultats efficaces et bien sûr applicables. Ainsi l’ensemble des théories physiques qui se base sur la notion de continuité est tout simplement considérable. D’une part, elles évitent les problèmes intrinsèques d’unicité et d’autre part elles exploitent les retombées mathématiques. Seulement, ces théories ne sont pas toujours compatibles avec les données de la réalité car l’ensemble des nombres réels et par extension des nombres complexes, est bien plus riche en propriétés que ne peut le supporter notre modélisation du réel ainsi que le montre par exemple le théorème de Banach-Tarski. Un autre problème apparaît avec la possibilité d’exploiter l’axiome du choix. Néanmoins des théories comme celles de la Relativité Générale, du Champ ou encore électrofaible, sont particulièrement efficaces aussi elles incitent les chercheurs à aller de l’avant dans cette direction. Certes les problèmes de la quantification, des cordes ou encore de la percolation montrent certaines limites. Cependant, ces changements sont analogues à ceux qui correspondent au passage de la continuité à la semi-continuité, de la théorie des groupes à la théorie des semi-groupes ou la théorie de Moufang et celle de Marty. L’idée de base est toujours la même, même si elle est complexifiée pour mieux rendre compte de la réalité. Cependant le problème de fond demeure. Et nous nous retrouvons dans une situation encore plus dramatique si nous tenons compte des résultats d’irréversibilité de Prigogine. Nous ne sommes plus dans une généralisation des vecteurs aux tenseurs en passant par les torseurs. Les outils dont nous avons besoin sont radicalement différents car ils ne vivent pas dans la même topologie. La géométrie est discrète sinon elle ne peut tenir compte des problèmes de la longueur de Planck, les trajectoires n’ont pas forcément de sens et pour cela nous avons besoin des sections de Poincaré ou encore de la terminologie des orbitales. Les attracteurs même s’ils sont considérés au premier abord comme continus, peuvent être étranges et engendrer du chaos. Des points comme ceux de Misiurewicz génèrent des stabilités instables et leur criticité est si grande que le champ devient singulier. Aussi le discret semble de plus en plus nécessaire surtout s’il est massif car il ne s’agit pas d’avoir seulement quelques éléments. Pour être riches, complètes et complexes, les structures doivent être assez importantes. Et nous nous retrouvons dans des modélisations qui absorbent les précédentes dès les premiers ordres de grandeur. Même l’aspect non linéaire n’est pas capable de supporter la complexité de certains phénomènes qui sont véritablement dus à la discrétisation de l’espace mais aussi du temps. Nous avons encore tendance à confondre le discret avec le fini et le fini avec le petit fini. Pourtant les ordinateurs indiquent la voie à suivre en séparant clairement ces notions grâce à des approches qui ne respectent plus la notion classique de gradient ou de degré de liberté. Car le modèle du monde semble être lui-même.