964 - Sur le révisionnisme turc
N. Lygeros
Récemment, lors d’un dîner-débat organisé dans le musée d’Orsay à l’occasion du 25ème anniversaire de l’IFRI, M. Erdogan qui représente officiellement la partie la plus démocratique de son pays, a contesté la réalité du génocide arménien de 1915. Plus précisément, il a tenu les propos qui suivent : “Ceux qui prétendent qu’il y a eu un génocide arménien n’ont pas eu l’occasion d’étudier les archives ottomanes. S’ils le font, ils verront qu’il y a des tableaux très différents.” Il a poursuivi en disant que : “Cette question ne peut pas être résolue par une méthode parlementaire mais par une méthode scientifique, par les historiens.” Il a de plus souligné en répondant à une question posée par Simone Veil, ancienne présidente du Parlement européen et ancienne déportée par les nazis qu'”En utilisant une approche idéologique, émotionnelle, raciste, on complique la tâche.”
En France, le Parlement a voté en 2001 une loi reconnaissant le génocide arménien. Ne serait-ce que par la présence de ce fait, la critique de M. Erdogan s’applique directement à cette institution et non à un quelconque historien qui aurait affirmé ses désirs. Sous couvert d’un discours diplomatique qui se veut toujours ouvert, un représentant d’une structure militaire dure peut toujours remettre en question les propos d’une structure démocratique. Et celle-ci dans sa volonté intrinsèque d’être ouverte à toute discussion, a de la peine à répondre de manière efficace à ce type d’insinuations. Le problème général qui est mis en évidence par la remise en question d’un évènement historique, c’est celui de la crédibilité du discours global. Il est vrai que les tensions qui existent avec la Grèce peuvent être considérées comme du folklore par certains diplomates européens. Il est vrai que le problème chypriote peut être considéré comme un problème local et mineur. Il est vrai que le problème kurde peut être considéré comme une affaire intérieure car tout cela se mêle à l’actualité qui ne cesse de changer et d’être interprétée. Cependant que penser, même de la manière la plus démocratique qui soit, de la remise en question du génocide arménien de 1915, si ce n’est qu’il s’agit tout simplement du révisionnisme turc.
Nous devons prendre conscience que si le Parlement français a voté cette loi en 2001 c’est avant tout car nous connaissions le problème arménien grâce à la présence d’une communauté importante (450.000 personnes). Sinon qui aurait pu nous apprendre les évènements tragiques du passé ? Sinon qui aurait pu croire le récit de telles atrocités ? Sans les stigmates de cette communauté nous aurions été comme Saint-Thomas, nul n’aurait pu nous convaincre de la véracité des propos.
En France, nous avons connu l’oppression et l’occupation. Nous avons un devoir de mémoire qui nous a été enseigné par des hommes comme Jean Moulin qui n’ont jamais accepté d’oublier. C’est la défense des Droits de l’Homme que nous représentons en Europe et c’est en leur nom que nous devons agir et réagir.