949 - De la difficulté des causes
N. Lygeros
Il est difficile à l’échelle humaine ou celle d’un groupe de se rendre compte de l’importance d’une cause donnée. Lorsque celle-ci est indépendante du contexte historique et surtout social, elle semble abstraite et aucun critère évident ne permet d’en saisir l’étendue. Par contre si celle-ci par la force des choses finit par correspondre à une réalité tangible alors elle offre l’occasion à l’individu ou au groupe donné d’embrasser sa cause pleinement et indirectement de justifier son existence par son oeuvre individuelle ou commune. Il suffit de peu pour que cette transformation survienne. Mais celle-ci demeure complexe quant à son application mentale. L’oeuvre avant même l’existence saisit cette transformation fondamentale. Dans le cadre d’un groupe cette prise de conscience est plus rapide car ses éléments sont reliés par des relations qui renforcent le moindre sentiment éprouvé. Bien sûr cela n’explique qu’a posteriori le déclic qui provoque le changement de phase, néanmoins ce dernier existe même si son existence ne sera véritablement perceptible qu’à travers la durée du phénomène. Quoiqu’il en soit c’est précisément ce type de sentiment qui engendre et constitue pas à pas ce que d’autres nomment l’éthique d’un individu ou d’un groupe. La série d’actions qui constitue le processus de transformation signe en quelque sorte la personnalité de l’être car elle représente la trace de ce dernier. Le changement de phase correspond donc à la création de la mémoire du futur.
Ce simple sentiment qu’éprouvent certains individus d’avoir appartenu à un moment de leur vie qu’ils considéraient comme leur quotidien et que d’autres surnomment l’histoire, est un sentiment essentiellement collectif. Il provient d’une part de la conscience de l’unique et de l’ensemble. L’ensemble des hommes uniques parvient parfois à créer l’unicité de l’ensemble. De nombreuses fois nos prédécesseurs à travers leur courage et leurs actes de résistance face à l’oppresseur ou l’existence d’une cause injuste, nous ont montré du doigt qu’au prix parfois de leur vie, l’importance du geste que nous qualifierons sans le savoir de gratuit voire même d’inutile. L’ensemble de ces petits gestes parfois insensibles même aux yeux de l’ennemi, forme en réalité le coeur et le corps de la résistance, même s’ils n’en constituent pas nécessairement son esprit. Chaque individu se transforme à son insu parfois en homme qui a su dire non au moment au moment opportun et il réalise bien après que cette entité humaine se caractérise par les négations qu’elle a pu affirmer à l’encontre d’une majorité inerte ou indifférente. Nous disons parfois que les petits bonheurs ne sont pas simples et pourtant combien ils sont faciles devant la complexité des sentiments d’agir justement pour une noble cause. Cependant ce sont bien ces sentiments si humains qui ont engendré les hommes et surtout ce concept si abstrait que nous nommons l’humanité.