8440 - Sur l’avenir de l’Union Européenne
N. Lygeros
Dans une situation de crise, les gens et la société sont prêts à tout remettre en cause même l’essentiel de ce qui a été obtenu depuis des décennies, car ils n’ont pas la possibilité d’examiner l’avenir avec l’assurance nécessaire. Tout cela est compréhensible lorsque nous avons affaire à des personnes qui ne sont pas spécialistes de la stratégie que présuppose l’organisation de telles structures mais que dire des hommes politiques qui se contentent de répéter les mêmes points de vue sous prétexte que cela est dans le vent. Ils se contentent de reproduire la réalité sans même passer à l’action qui pourrait la transformer, aussi une vision dans ce domaine leur paraît tout à fait incongrue car absolument hors cadre par leurs préoccupations, aussi il ne reste, à certains analystes que le champ de l’utopie pour aborder le problème de l’avenir de l’Union Européenne. Cependant, ici, nous allons mettre en exergue le fait qu’il est nécessaire de se placer dans le champ de l’impensable par rapport à sa date de création, pour réaliser l’avancée de cette structure. L’Union Européenne est née après deux guerres mondiales, c’est dire combien sa conception aura été difficile pour ses initiateurs et impensable pour le reste du monde. Elle ne représentait qu’un cadre formel initialement basé sur l’acier et le charbon. En d’autres termes, le strict minimum et ce, dans un cadre strictement économique. La notion de marché commun est bien évidemment ultérieure et correspondait à l’époque non pas à une utopie mais à l’impensable. Et il en est de même, pour le plan stratégique qui a suivi ainsi que de sa vision programmatique qui s’est parfaitement mise en place dans les décennies suivantes. Pourtant si nous examinons parallèlement les éléments qui se sont dévoilés dans le monde, force est de constater que le déséquilibre européen est stable et ce, de manière robuste, alors que les équilibres de l’époque ont démontré leur caractère instable. Nous voyons par ce biais, que ce que nous nommons l’évolution de l’Union Européenne, n’est en réalité qu’une succession d’impensables qui ont peu à peu conduit à des changements de phase si radicaux que nous avons du mal à faire de véritables comparaisons qui soient scientifiquement sensées. Par ailleurs, tout cela dans un contexte international qui est loin de pouvoir être considéré comme calme. Cela signifie, du point de vue cognitif, que le plan stratégique de l’évolution des structures européennes est loin d’être immédiat, non seulement parce qu’il est la résultante d’un mix stratégique mais surtout parce que ses fondations sont essentiellement bâties dans le domaine de l’impensable et pas seulement pour le commun des mortels. De manière plus profonde pourtant, comment ne pas réaliser que le substrat de cet impensable européen, puise sa force dans un premier temps dans le siècle des Lumières et l’humanisme avec les droits de l’Homme, mais aussi dans l’époque des Chevaliers qui ne se contentaient pas de fonctionner strictement sur le plan national mais appellent une vision géostratégique. Pourtant à l’époque déjà, les historiens et les analystes ne voyaient là que des initiatives ponctuelles. Alors que l’examen géostratégique de la situation est tout à fait cohérent surtout s’il est plongé dans le cadre de la topostratégie afin de saisir pleinement les contributions et les situations des relations, et le formalisme de la théorie des jeux. Enfin il est nécessaire de comprendre comment cette hyperstructure fonctionne par rapport aux empires extérieurs et à ses ennemis, pour saisir les éléments diachroniques qui la caractérisent. Considérer l’Union Européenne comme une institution sans substrat historique revient alors à nier son avenir. Sans celui-ci elle ne serait pas cet objet de l’impensable qui transforme tant notre réalité que nous en oublions son commencement et son sens.