8351 - La pureté de Dom Juan et de Faust
N. Lygeros
À travers l’œuvre philosophique de Kierkegaard, il est possible d’étudier non seulement les points communs entre Dom Juan et Faust, mais aussi leur pureté. Il est vrai que le philosophe danois s’est plus intéressé à Don Giovanni, sans doute pour son amour de l’opéra et en particulier de l’œuvre de Mozart. Même si ce choix est tout à fait compréhensible, il n’en est pas pour autant entaché de l’influence de Casanova qui a même quelque peu conseillé le librettiste de Mozart, à savoir da Ponte. Certes Kierkegaard veut mettre en avant la musique mais son but ultime, c’est celui de la pureté. Il veut mettre en exergue deux mythes créés par le christianisme qui a séparé la chair de l’esprit. Il voit donc en Faust, un esprit pur et en Dom Juan une sensualité pure. Certes ils partent tous les deux d’un point commun, à savoir l’amour et celui-ci concerne bien les femmes. Pour l’un c’est la multiplicité de l’unique et pour l’autre c’est l’unicité du multiple. Les deux opèrent donc de manière complémentaire pour ne pas dire symétrique. Ils recherchent tous les deux le plaisir i.e. une forme de satisfaction qui est interprétable comme une volonté de complétude. Ainsi c’est le sentiment d’incomplétude qui correspond à un élément moteur de leur recherche qui se transforme non pas en quête d’absolu mais de perfection. Car aucun d’entre eux ne croie en l’absolu comme s’il savait que cette caractéristique engendre nécessairement une incomplétude en raison même de sa puissance. Cette opposition entre Dom Juan et Don Giovanni est encore plus claire par rapport à Faust. Il s’agit de la différence entre l’intellectuel et le sensuel. Cependant en recherchant à tout prix la pureté, nous sommes condamnés à ne pas découvrir la perfection. Pour le comprendre il suffit de considérer l’hypothèse que cette dernière fonctionne de manière complémentaire avec l’entité et son contraire. Dans ce cas, le modèle de la pureté serait voué à l’échec. Tandis que si nous acceptons la perfection comme objectif alors il est possible de comprendre et de saisir Dom Juan et Faust dans un cadre global où le sentiment et la pensée même s’ils s’opposent de manière superficielle, composent tous les deux avec l’autre. Ainsi au lieu de rechercher la pureté en soi et voir en eux des opposés, il est plus efficace et surtout plus robuste en terme de structure de les appréhender à travers la pureté de la perfection pour les interpréter comme des complémentaires.