715 - La puissance du simple
N. Lygeros
En regardant son visage l’on ne pouvait s’empêcher à penser au peintre des tournesols. Il se dégageait une lumière de son regard et pourtant tout semblait sombre comme si les yeux d’un enfant contemplaient la tragédie du monde. Il aimait sa terre, cela était certain. Mais il aimait encore plus les mots, ces traces d’une autre terre, d’un autre monde. Ils étaient tout pour lui car il n’était rien d’autre. Il les maniait avec aisance, non pour les parer mais en dégager leur essence ; cette pensée, véritable monde enclavé dans un mot, dans quelques lettres. Il les maniait comme des outils forgés par le temps pour travailler la terre sans lieu. Il ramassait du bois pour remplir des feuilles. Toute sa vie était associée à l’arbre ; cet arbre qui réchauffait les âmes, cet arbre qui nourrissait les pensées les plus profondes. Ecrasé par le ciel et la mer, il était cette lame qui les avait tranchés afin que les hommes aimassent les nuages et les vagues, ces éphémères blessures qui ressemblaient à leur vie. Il était l’éphémère de l’éternel. Il était la couleur de l’invisible. Il était l’homme qui peignait le sens. Nées dans la glèbe, ses mains ne redoutaient personne. Il était seul maître de son destin. Aussi il n’attendait rien de la vie, tout était un cadeau. Car la vie était un cadeau. Un cadeau offert par la mort à l’existence. Sa mission englobait le monde comme la main empoignait la mer et le ciel. Il était le noeud qui liait, il était la croix qui brisait la masse. Il était le don de la lettre.