713 - La structure scénique des 30 baisers du soleil
N. Lygeros
Les trente baisers du soleil qui représentent conceptuellement les vestiges d’une oeuvre historique relatant des faits se rapportant à la révolution grecque et aux évènements antérieurs en exploitant l’aspect polycyclique du temps comme dans les scénarii Les ombres de la tour et A la croisée du bleu, offrent de grandes possibilités en termes de mise en scène. Malgré une forme apparemment rigide i.e. un unique paragraphe par épisode, l’oeuvre qui est volontairement non linéaire dans le récit permet une liberté d’interprétation. La narration qui ne doit être effectuée que par un personnage différent à chaque fois et en accord avec les thématiques de l’oeuvre peut être accompagnée de manière passive ou active par les autres acteurs. Ainsi nous préfèrerons un rôle actif dans les scènes qui se réfèrent à des batailles et plus passif dans les scènes d’ordre amoureux afin de créer d’une part une atmosphère épique et d’autre part une ambiance romantique dans le sens historique du terme. La table au centre de la pièce représente un amer pour les personnages à l’instar de l’oeuvre écrite. Ils peuvent toujours s’y rapporter dans des instants de doute. Plus les acteurs se sentent libres, plus ils peuvent s’éloigner de cet axe central et évoluer dans tout l’espace scénique. Ainsi la pièce peut tour à tour être dynamique ou intimiste. L’enchevêtrement de l’histoire n’est pas seulement un artifice technique pour éviter un rejet de la part du lecteur, il correspond à une volonté d’expliciter le schéma mental de l’oeuvre et donc par ce biais de donner une plus grande importance à la pensée qu’au langage. Comme nous l’avons décrit dans notre note sur l’ambiance de la pièce, intitulée La nuit transfigurée de la rose, le schéma mental est caché dans le choix apparemment aléatoire effectué tour à tour par les personnages. Cette approche permet de rendre plus aisée le caractère imprévisible de l’oeuvre qui mélange l’attente et la surprise. Les textes lus les uns à la suite des autres peuvent être séparés par de petits intermèdes musicaux ou être reliés pour changer le rythme de la pièce. L’évolution de celle-ci doit être inexorable même si cela s’appuie sur la polycyclicité temporelle. L’aspect ne doit pas être tragique mais il doit nécessairement comporter cet élément pour rendre crédible non seulement le caractère épique mais aussi les références historiques. Car même si ces dernières ne sont qu’esquissées pour ne pas alourdir l’oeuvre, elles constituent le point d’ancrage de la structure globale. Sans elles, l’oeuvre n’aurait le sens du devoir de mémoire qu’elle représente. Aussi les acteurs doivent tour à tour, mais non tous, exploiter l’effet d’iceberg mais aussi celui du candide afin de placer le public dans différents contextes i.e. celui de l’implicite et du non-dit mais aussi celui de la référence accessible à l’ensemble des interprètes via la complicité de la troupe. Ainsi cette dernière via cette oeuvre singulière et collective pourra développer toute sa puissance scénique afin de faire déborder le théâtre sur la réalité.