638 - La plume d’aigle (5)
N. Lygeros
Traduit du Grec par l'auteur
Il entendait une ancienne chanson klephte et il se souvint de la première révolution. A cette époque, tous attendaient l’aide des Russes. Ils étaient peu nombreux ceux qui connaissaient la vérité. Ils ne dirent rien. Même si la révolution était perdue elle devait se faire pour que vienne enfin celle qui libèrerait leur futur. C’est alors qu’apparut pour la première fois l’étrange poignée et cinq cents palikares entrèrent dans la bataille du passé. Durant quarante jours et quarante nuits ils luttèrent sans relâche contre les tyrans. Les cinq cents étaient devenus un et l’un connaissait la fin avant que le combat ne commençât. Ainsi il donna toute sa vie dans cette bataille, cette bataille perdue. Toutes leurs épées se brisèrent mais leurs mains ne flanchèrent pas. Elles n’abandonnèrent pas l’étrange poignée. Alors il se rappela où il l’avait vue la première fois. Comment n’y avait-il pas pensé plus tôt ? C’était leur signe, c’était leur symbole. Ils étaient à nouveau ici et il devait les trouver par tous les moyens. Il se leva brusquement et prit son couteau. Il le sortit de son fourreau et regarda sa lame. C’était la lame d’une épée brisée, le cadeau de sa mère, la continuité du combat. La blessure du signe était devenue le stigmate de la lutte. Il sortit, il devait voir le soleil en face. Son âme ne voulait pas sombrer dans le déchirement de sa mère. Il tira de sa ceinture le morceau du parchemin secret, serra sa main et l’accord invisible fut entériné. La résistance continuait. La plume d’aigle volerait à nouveau sur l’étrange poignée. Elle écrirait à nouveau le destin du peuple avec l’encre noire de la douleur. Le soleil brûlait ses yeux mais il ne les détourna pas. Il voulait boire sa lumière. Il remit le parchemin dans sa ceinture et le couteau dans son fourreau. Il était prêt.