Cannes, 16 Août 1993

               Monsieur et cher Collègue

Peu de temps avant de repartir en Crète, il
m’est agréable de recevoir votre aimable souvenir
delphique et de vous en remercier.
Pour l’identification des deux athlètes nus du
Musée de Delphes, appelés abusivement Cléobis et Biton,
voyez le texte intégral des inscriptions portées sur les
deux bases, tel que je l’ai publié après un énorme
travail de visu et d’analyse photographique et d’es-
tampages, dans L’Antiquité classique, 1985, p 56-65.
Je n’en ai plus un seul exemplaire à vous offrir.
Recourez donc à la Bibliothèque Universitaire de
Lyon II ou III. Vous verrez que Cl. Vatin, par d’autres
méthodes est parvenu au même résultat que moi
en 1983/4 dans le Bulletin de Correspondance Hellénique
et que l’identification des Dioscures est admise
dans le seul Guide de Delphes valable, celui qu’ont
publié en 1991les membres de l’Ecole Française
d’Athènes, Sites et Monuments VI en dépôt chez De Boccard,
11 rue de Médicis, Paris (6e). L’archéologue de la

Macédoine, l’aimable et illustre Manolis Androni-
kos, n’a fait que répéter dans son Δελφοί (1988)
une erreur traditionnelle, ou prêter son nom
à une série de Guides grecs qui ne veulent surtout
pas déranger les habitudes des touristes.
Et cela n’est rien à côté des idées « acquises »
En matière d’écritures préhelléniques. Notre
Vieux maître Ch. Picard (grand-père du récent
Directeur de l’Ecole Fr . d’Athènes a failli mourir
d’apoplexie à la Sorbonne en apprenant en 1953
que Ventris et Chadwick venaient de trouver la
clef (hellénique !) du linéaire B crétois : cela faisait
50 ans qu’il répétait que ce n’était pas grec, bref
une connerie devenue un dogme, une matière
d’enseignement officiel.
La science n’est qu’un cimetière d’hypothèses.
Pyrrhon, Timon, Ainésidème et Sextus Empiricus nous
ont appris à douter, et la plus grande acquisition des
pythagoriciens grecs a été probablement de fixer les
limites de la raison dans le nombre irrationnel.
Excusez ce brin de philosophie, simple preuve
de l’estime et du respect que je porte à vos
travaux et à vos succès, présents et futurs,

                                                  μέ κριτικά καί κριτικά αίσθήματα
                                                          P. Faure