575 - Sur le noyau de l’humanité
N. Lygeros
Si nous considérons l’humanité comme un tout, il est alors naturel de se poser la question de l’existence d’un noyau d’humanité au sein de celle-ci. Conscients de l’universalité de l’humanité et responsables de sa survie, il est effectivement nécessaire pour nous de savoir si nous serions capables de la reconstruire et de la préserver avec des éléments de base.
Au sein de celle-ci, nous discernons des différences que nous pouvons nommer relations et singularités de la structure cognitive. Seulement comment savoir ce qui est important, comment localiser l’essentiel de l’information et surtout est-ce possible ? Pour nous aider nous pouvons utiliser le substrat biologique, seulement l’analogie est-elle transposable ? La même question se pose quant à la transposition linguistique. Car à part le cadre strictement mathématique, quel autre peut reconstruire l’intégralité d’un ensemble lorsque nous ne possédons que son noyau même s’il contient l’essentiel de son information ? Bien sûr nous serions tentés à notre époque de répondre par l’affirmative dans le domaine de la biologie puisqu’il existe l’ouverture théorique et surtout pratique du clonage. Cependant même si nous admettions qu’un noyau d’une cellule permet de cloner un individu, il n’en demeure pas moins qu’il ne s’agit que du substrat biologique. Et la copie du génome n’est pas le génome !
De la même manière que le codage n’est pas le langage car coder n’est pas parler. Seulement se pose alors le problème de la copie de l’humanité. Car si nous ne possédons que celle-ci sans pouvoir lui donner vie, est-elle vraiment utile ? A l’instar d’un livre qui permet de transcrire une pensée, si celui-ci n’est pas lisible, il est dépourvu d’intérêt. Et si celui qui le lit n’a pas les mêmes capacités que celui qui l’a écrit, alors est-il vraiment utile ? Comme nous sommes dans l’inconnu, nous devons partir du principe que la lecture sera un jour possible et que l’interprétation sera capable de reconstruire le schéma mental initial. Dans ce cadre quels sont alors les éléments de base ?
Pour la société, il est vrai que les notables ont une importance certaine comme l’a démontrée la civilisation de l’île de Pâques après sa disparition. Pourtant le déchiffrement est possible et certainement interprétable mais dans quel sens ? Autant dans une société relativement réduite et isolée il est relativement facile de localiser l’information notable dans les notables, autant cette idée semble incertaine dans une société de plus grande importance. Car sa mémoire se trouve-t-elle dans sa classe dirigeante ou dans une classe pensante mais difficilement localisable en raison de sa marginalisation naturelle ? Car la mémoire de l’humanité est-elle dans le pouvoir ou le savoir ? L’un semble être fait pour vivre et l’autre pour survivre.
Seulement qu’entendons-nous par l’expression reconstruire l’humanité ? S’agit-il de vie ou de survie ? Et si c’est les deux, nous voyons immédiatement la difficulté intrinsèque du problème. Le pouvoir permet à la société de rester vivante et le savoir de durer à travers le temps. Aussi nous avons déplacé la question de la reconstruction vers celle de la nature. Un résumé d’un texte peut être fidèle mais l’est-il suffisamment pour reconstruire le texte initial ? Ayant éliminé par nature tout caractère superfétatoire du texte, il en a aussi fait disparaître le style. Et pour les sociétés n’est-ce pas justement le style qui les différencie ? L’humanité qui est au-delà du social peut effectivement se permettre d’être dépourvue de style et se contenter d’être. Seulement cette humanité sera-t-elle acceptable par tous ? Car en voulant réduire l’humanité à sa plus simple expression, ne risquons-nous pas la disparition de l’essentiel ?