5536 - Sur la coopération de la diaspora
N. Lygeros
Il est certainement difficile de formaliser le comportement général de la diaspora mais cela ne signifie pas pour autant que cela soit impossible. Dans le cadre de la théorie des jeux, selon le formalisme de Nash et pas seulement de von Neumann et Morgenstern, il est possible de simuler ce type de comportement. Un exemple classique de cette théorie consiste à étudier un ensemble fini de personnes qui jouent simultanément un grand nombre de parties. Lorsque nous laissons chacune des personnes avoir une attitude libre i.e. choix de stratégie, alors il est possible de réaliser un phénomène qui semble surprenant au premier abord. En simplifiant la fonction de l’interaction et en ne lui donnant que deux possibilités, tout en laissant le choix de l’ordre de ces deux possibilités, nous avons des suites indexées. La simulation sur ordinateur permet de démontrer la robustesse du résultat obtenu quant au choix de la stratégie. Dans le cadre global nous avons l’apparition de l’altruisme. Cette option semble très faible contre un joueur offensif. Cependant la possibilité de jouer un grand nombre de parties permet d’échapper à cette difficulté finalement artificielle. La stratégie la plus robuste consiste à être amical avec les amicaux et défensifs envers les offensifs. Ce choix qui semble se conformer au principe du donnant-donnant, change de nature via le changement de phase provoqué par le grand nombre de joueurs. Dans ce cadre l’équilibre de Nash n’est plus un outil abstrait. À long terme, l’altruisme semble être la stratégie la plus efficace pour survivre dans un milieu qui n’est pas nécessairement coopératif, du moins initialement. Car, au fur et à mesure des parties, le caractère égoïste et offensif qui est efficace à court terme devient une source de problèmes insurmontable. En effet l’activation d’une offensive se transforme avec le temps en une cible. C’est aussi une application du principe de Cooper dans les triades qui montre l’attitude naturelle des deux plus puissants à faire une coalition pour écraser le plus faible et celle des deux plus faibles pour vaincre le plus fort, créant un point commun surprenant. Dans les deux cas, celui qui possède une puissance intermédiaire, à savoir le second, fait toujours partie des survivants. Cela revient à énoncer cette proposition paradoxale au premier abord mais non dépourvue de sens lorsque le temps intervient, à savoir que pour être premier dans le temps, il faut être second dans l’espace. L’altruisme se définit à travers l’autre sans cela il n’existe pas, alors que ce n’est pas le cas de l’égoïsme. Si l’égoïsme change de champ d’action, il peut devenir altruiste lorsqu’il transcende le paradoxe du solipsisme. L’égoïste qui pense à l’autre car il sait que l’autre pense à lui, acquiert une propriété altruiste. C’est celle-ci qui, lorsqu’elle est généralisée, devient une identité via l’égalité du processus. Ce type de modèle explique l’existence de la diaspora alors qu’elle se trouve hors de son milieu naturel. Car le temps, c’est le lieu de la résistance.