5398 - L’art de l’avenir
N. Lygeros
« Lorsque le bon père Corot disait quelques jours avant sa mort :
« J’ai vu cette nuit en songe des paysages avec des ciels tout roses »,
eh bien, ne sont-ils pas venus des ciels roses, et jaunes et verts
par-dessus le marché, dans le paysage impressionniste ?
Ceci pour dire qu’il y a des choses que l’on sent dans l’avenir,
et qui arrivent réellement. »
Même si tu retrouves peu à peu ta santé
dans cette Arles de 1888,
tu songes déjà à l’avenir.
Tu retrouves ainsi des indices dans le passé
qui justifient tes pressentiments du futur.
Ce présent où tu habites n’est qu’une tromperie
même si ton frère Thé ne veut pas le comprendre.
Aussi, lorsque tu portes ton regard
vers les anciens, c’est pour saisir les jeunes.
Tu lisais les morts comme Leonardo da Vinci
et tu écrivais déjà pour les non-nés.
« Cette « Espérance » de Puvis de Chavannes
est une telle réalité.
Il y a dans l’avenir un art,
et il doit être si beau,
et si jeune,
que vrai si actuellement nous y laissons notre jeunesse à nous,
nous ne pouvons qu’y gagner en sérénité. »
Voilà la vérité annoncée,
voilà le fond de ta pensée.
Si tu as saisi plus vite que ton frère
l’art de l’avenir, c’est en raison de tes affres.
Seule la préparation de l’avenir pour les justifier.
Tu étais déjà conscient de cette nécessité
car il ne te restait plus que la création.
Tu n’avais aucune autre raison pour vivre
et supporter le misérabilisme d’une société
incapable d’accepter ton génie.
Aussi cette foi en l’avenir
devenue échappatoire,
t’a permis de réaliser objectivement
la continuité de l’humanité.
Voilà la source de ta nouvelle sérénité.