4817 - Sur le paysage turbulent
N. Lygeros
Qui s’interroge sur la nature du combat de l’arménité ? Qui ose transgresser le pouvoir de la barbarie ? Nous n’avons de cesse de parler des droits de l’homme alors que nous ne connaissons pas cet homme. Nous n’avons accès qu’à certains hommes. Et puis ces derniers sont tellement rares qu’il est difficile de se faire une idée précise de la signification de cette expression. L’article défini associé à un mot abstrait confère à l’expression un caractère universel. Et pourtant nous nous empressons de la caractériser comme vide de sens. L’arménité, par sa volonté et sa résistance nous fait découvrir le paysage turbulent des droits de l’homme. Ces derniers donnent l’impression qu’ils n’existent que lorsqu’ils sont bafoués à l’instar de la notion de génocide. Cependant en Arménie et surtout en Artsakh, cette abstraction est une réalité. Sans cette réalité, des milliers d’hommes et de femmes ne pourraient vivre dans ce paysage turbulent. Cependant cela semble ne préoccuper personne. Et pourtant, c’est bien la voie à suivre dans ce domaine profondément humain que la société ne peut décidément pas comprendre. Celle-ci ne désire que le calme du néant et le bonheur du vide sans se préoccuper nullement de la nécessité humaine, la dignité humaine et bien sûr l’avenir de l’humanité.
Comment être artificiel au milieu des pierres ? Comment ne pas aimer l’eau dans la chaleur du rouge ? Quant à la rudesse du blanc, seul le bleu du ciel peut quelque peu l’adoucir. Aussi les Arméniens sont comme face au néant. Alors que faire comme disait Лев Толстой ? Rien qui ne soit humain. Aussi seul l’indispensable a un sens. Mais quel serait ce sens sans la terre des pierres ? Dans le jardin noir où dominent les différents verts, la question ne se pose pas de la même façon. Quelques pierres suffisent aux hommes pour rappeler la présence des dragons dans cet univers nain en manque d’expansion. Dans le confinement humain que représente l’Artsakh, tout prend un sens nouveau. Car les mouvements n’évoluent que dans le silence d’un paysage qui n’a qu’en apparence perdu son caractère turbulent. Comme s’il se préparait à vivre à nouveau des nuits transfigurées dans lesquelles le dodécaphonisme aurait été aussi impatient qu’un enfant en quête d’un jouet, à moins que ce ne fut un tambour pour sonner le branle-bas d’un combat jamais oublié.
Alors en voyant tout cela, lorsque nous nous retrouvons face au mont Ararat, comment accepter qu’il soit au sein d’une barbarie qui refuse toute histoire, tout humanisme afin d’être à l’abri des hommes sur ses fondations où s’empilent un million et demi de génocidés. Leurs cris ne cessent de faire grincer l’histoire comme pour signifier que rien n’est fait encore et que tout reste à faire dans cette région du monde qui a connu le crime contre l’humanité. Nous ne pouvons pas nous contenter de symboles et encore moins de promesses de la part d’un état qui n’a jamais vraiment hésité à signer des traités qu’il n’a pas respectés par la suite. Aussi cessons d’appliquer de notre coté mais surtout de manière unilatérale des traités qui ne sont pas faits pour obtenir la paix mais pour préparer de manière plus systématique les sanctions susceptibles d’être exploitées dans le cadre de la loi islamique qui malgré ses emprunts manifestes au droit romain demeure malgré tout très passive. Les traités maltraitent et les maltraités traitent, tel est le paradoxe non pas de la nature humaine mais de la massification des états racistes.