4575 - Le géomètre de la bonté et la conscience de l’innocence
N. Lygeros
Le géomètre : Comment compter la souffrance des hommes ?
L’innocence : En les regardant.
Le géomètre : je ne les vois plus.
L’innocence : Ils sont pourtant présents en nous.
Le géomètre : Alors pourquoi je ne vois que ma famille ?
L’innocence : Les tiens sont dans ta famille.
Le géomètre : Seulement ma famille est-elle dans les miens ?
L’innocence : C’est à toi de choisir.
Le géomètre : Cela fait des décennies que je mesure la terre.
L’innocence : Sans avoir le sentiment de la démesure ?
Le géomètre : Comment aurais-je pu ?
L’innocence : Si chaque mètre carré avait été humain…
Le géomètre : Et bien quoi ?
L’innocence : Aurais-tu compté les victimes de notre peuple ?
Le géomètre : As-tu conscience de l’immensité de ce nombre ?
L’innocence : Je ne connais que sa grandeur.
Le géomètre : Ne joue pas sur les mots !
L’innocence : Je ne parle que de maux !
Le géomètre : C’est cela que je ne peux souffrir.
L’innocence : Alors comment être humain ?
Le géomètre : Ne suffit-il pas de naître ?
L’innocence : C’est une condition nécessaire mais pas suffisante.
Le géomètre : Enfin quelque chose que je comprends.
L’innocence : Car tu as choisi de ne pas blesser.
Le géomètre : Est-ce mal ?
L’innocence : Est-ce bien ?
Le géomètre : Je ne te comprends plus.
L’innocence : Tu as aussi choisi de ne pas être blessé.
Le géomètre : C’est vrai.
L’innocence : Voilà pourquoi tu ne pouvais supporter la mémoire.
Le géomètre : Et maintenant que puis-je faire ?
L’innocence : Aider à souffrir !
Le géomètre : Mais c’est inhumain.
L’innocence : C’est l’enseignement des justes.
Le géomètre : Ainsi ils existent ?
L’innocence : Oui, sinon nous n’existerions plus.
Le géomètre : Qui donc ?
L’innocence : Les innocents.
Le géomètre : Je dois redevenir innocent.
L’innocence : Pour nous, c’est l’unique moyen de devenir des hommes !