4370 - La vie de la nature morte de Vincent
N. Lygeros
L’étude de la nature morte qui date de 1885 montre la vie de Vincent van Gogh ou du moins de son importance à ses yeux. Il y a peint ouverte la bible de son père mais aussi un exemplaire de La joie de la vie d’Emile Zola. Ce choix n’est pas un hasard dans la pensée du peintre. Il correspond à un choix de vie ou plutôt à la conscience d’une mission à accomplir. Il aimait la littérature et Zola comme Hugo ou les frères Goncourt faisaient partie de ses auteurs préférés. D’ailleurs l’ensemble de sa correspondance avec son frère Théo est rempli de références littéraires. Seulement le désir de vivre était insuffisant à la complexion de Vincent van Gogh. Il lui fallait aussi la passion et celle-ci il n’a pu la trouver qu’à travers la Bible et la passion du Christ. Cette évolution était naturelle pour un homme qui avait été tant influencé par L’idiot de Fiodor Dostoïevski. Il ne recherchait pas réellement le sacré mais plutôt la sainteté. L’accomplissement de sa vie ne pouvait se faire sans passer par cette recherche. Celle-ci néanmoins ne constitue pas une preuve d’un besoin d’absolu. Cela correspond plutôt à la recherche d’une tendresse jamais véritablement vécue ni dans son enfance ni dans son adolescence. Quant aux rapports de Vincent van Gogh avec les femmes, ils n’étaient pas non plus dépourvus d’une certaine religiosité. Il voyait en elles un élément plus près de la nature et par conséquent du dieu créateur. Sans parler vraiment d’une crise de mysticisme comme il en avait été accusé par des gens qui doutaient de sa bonté naturelle, nous pouvons néanmoins intégrer l’ensemble de ces faits dans un schéma mental religieux. Ceci n’est pas surprenant en soi, étant donné la formation de Vincent van Gogh. En réalité,nous pensons que ce schéma est plus profond et qu’il représente la cause et non la conséquence. La nature morte montre la vie du peintre. À travers les objets choisis, nous remarquons qu’il exploite un paradoxe. En effet, ces objets a priori morts pour la société, sont vivants pour l’humanité des hommes. Le livre et le Livre que représente la Bible ne prennent vie qu’à travers la mort des autres. Et grâce à cette mort, ils accèdent à une forme d’immortalité humaine qui ne pouvait laisser indifférent un peintre avec de telles prédispositions. Quant à la suite de son évolution, elle constitue un aboutissement. Ne trouvant plus dans la littérature la voie de la liberté humaine, il s’est approché des voies du seigneur, même si elles sont impénétrables. Cette quête qui n’est pas celle de l’absolu mais de la justice, a été un chemin de croix pour Vincent van Gogh. Car dans la société de l’oubli et de l’indifférence qui imposait sa loi à toute forme sociale, sa vie représentait une résistance passive. Mais grâce à son œuvre, il est parvenu à rendre plus humain l’avenir du monde qui l’étouffait. Telle est la vie de la nature morte de Vincent van Gogh.