4204 - Autour d’un verre d’absinthe
N. Lygeros
– Bonjour, je m’appelle Vincent van Gogh.
– Je suis désolé Monsieur, je ne vous connais pas.
– Je m’en doutais. Un temps. La raison de ma venue est autre.
– Alors pourriez-vous me la présenter ?
– Deux mots suffiront à vous toucher.
– Vraiment ?
– Je le crois.
– Je vous en prie alors.
– Bon Samaritain !
– Delacroix ?
– J’ai l’impression que nous partageons la même admiration.
– Ce point commun, sera-t-il, selon vous, le commencement ou la fin ?
– Ce sera à vous de le décider.
– Je n’en ferai rien, avant de vous laisser poursuivre.
– Nous sommes tous les deux sensibles à sa richesse chromatique.
– Il est vrai que ses coloris sont dégagés des contraintes des écoles.
– À travers le primat de la couleur se dégage la liberté d’exécution.
– Que pensez-vous de sa fluidité et de la rapidité de sa touche ?
– Elle est essentielle, selon moi. Et vous, qu’en dites-vous ?
– Vous êtes dans le vrai. Silence. Je…
– Oui ? Un temps. Surtout n’hésitez pas.
– Je voudrais vous offrir un verre absinthe.
– J’en prendrai un volontiers.
– Mon entourage trouve que j’exagère.
– L’art n’est il pas une exagération.
– Nous devons tout de même nous méfier des excès.
– Pourtant, votre vision n’est-elle pas servie par une matière généreuse et des touches épaisses ?
– Comment pourrais-je dire le contraire ?
– Votre écriture nerveuse ne s’appuie-t-elle pas sur l’emploi d’une gamme chromatique ou domine des bruns ponctués de taches de couleur pure ?
– Je vois que vous avez étudié mon travail.
– Votre œuvre constitue un modèle pour moi.
– Vous êtes bien la seule personne à agir de la sorte.
– Vous m’en voyez surpris !
– La bourgeoisie est sans surprise.
– Comment ?
– Ici tout doit être compris ou rejeté !
– Mais l’exceptionnel !
– Ce doit rester une exception.
– Alors buvons ensemble à la couleur de l’exceptionnel !