4165 - La cheminée de marbre turquin
N. Lygeros
Fallait-il relire le Capitaine Fracasse ou le Roman de la momie pour saisir le secret de la cheminée de marbre turquin ? Telle était la question du caméléon. Mais il préféra ne pas donner de réponse sur le champ. Comme si cela n’avait aucune importance même s’il était persuadé du contraire. Il regardait fixement les traces posées sur le rebord. Qui avait pu les laisser à cet endroit ? Personne n’avait pénétré dans cette pièce depuis des siècles. Alors comment ce miracle avait-il eu lieu ? Cinq figures, pas une de plus, à l’instar d’une offrande accompagnée d’une bouteille d’Armagnac. Dans la cheminée le feu couvait encore. Sa visite était-elle attendue ? Il remua les cendres avec précaution. Les braises étaient encore chaudes et rougeoyantes, excepté en un point. Ce dernier avait la couleur du bleu photonium. C’était le signe.
* Contact établi.
Un autre caméléon avait pénétré dans cette pièce et il avait laissé cette trace. C’était le premier indice. Il fallait donc inspecter toute la cheminée. Il examina attentivement le marbre turquin comme s’il recherchait une écriture gravée dans la profondeur du bleu. Rien n’était visible à l’œil nu, aussi il passa ses doigts sur la pierre d’antan. Rien à la surface.
* Profondeur.
Il repassa sa main à la recherche de l’impalpable mais cette fois, par en dessous. Un cliquetis attira son attention. Le passage de la main avait activé un mécanisme dans la cheminée. Il retira sa main. L’éclat du bleu photonium se modifia. À travers le marbre turquin, l’invisible apparut en se transformant en chêne sang et azur. La suite logique de la braise et de l’éclat pensa le caméléon. Le comte avait donc touché cette cheminée. Mais qui donc avait laissé les cinq figures et dans quel but ? Il réfléchit à nouveau. Quelqu’un d’autre avait laissé une trace pour le suivant. Il regarda le bouchon de la bouteille d’Armagnac. Il était intact. Mais l’Armagnac avait été entamé. Il en manquait le tiers.
* Le tiers instruit.
L’atlas des maîtres avait été ouvert. L’un d’entre eux était en danger. Mais lequel ? L’éclat scintilla dans la cheminée. C’était la confirmation du signal. Le caméléon se pencha dans la cheminée. Un nouvel accès s’était ouvert. Le chemin de la braise serait long comme la première marche. Il posa son pied sur la braise. Il souffrait mais il ne disait rien. L’œuvre avait commencé et ce n’était pas le moment. C’était désormais une question de temps avant que ce ne soit une question de vie ou de mort. Les parois de la cheminée étaient chaudes mais faciles à gravir. Il comptait ses prises pour estimer la hauteur, même s’il savait que dans cette branche d’univers cela n’avait pas de sens. Il devait revenir des siècles en arrière avant qu’il ne soit trop tard. Il parvint enfin à la dernière étape. Lorsqu’il sortit de la cheminée, il vit dans la pièce une petite enfant dans les bras d’un vieil érudit mort : c’était donc elle qui était en danger.