4106 - Intégrité territoriale et autodétermination des peuples
N. Lygeros
Les notions d’intégrité territoriale et d’autodétermination des peuples ne sont pas neutres. La diplomatie internationale a tendance à les présenter comme des principes alors qu’elles représentent de véritables dogmes dans le sens qu’elles sont l’aboutissement d’un cheminement intellectuel et non les prémices d’une théorie. Si nous les considérons comme des axiomes nous avons un problème de cohérence quant à la théorie qui est censée les englober. Alors que si nous les interprétons comme des dogmes, il est possible de traiter le problème du recouvrement. De manière plus concrète, si cela est permis, nous sommes en présence d’un système dynamique avec un phénomène de bord sur la frontière commune de deux bassins d’attraction. Dans la plupart des cas, au niveau des relations internationales, les entités considérées sont clairement dans un bassin ou un autre, essentiellement en raison de l’histoire qui avec le temps impose la suprématie de l’intégrité territoriale ou l’identification de celle-ci avec l’autodétermination des peuples. Cette dernière a évidemment un bassin d’attraction considérablement plus petit, dans les faits, même, si du point de vue humain, elle est dominante. En réalité, l’opposition présente provient de celle qui existe entre la société et les hommes. L’intégrité territoriale est une notion étatique et par conséquent sociale. Tandis que l’autodétermination des peuples est directement liée aux hommes. C’est pour cette raison que la première notion est exploitée par les états alors que la seconde est recherchée par les droits de l’homme. La première est statique tandis que la seconde est dynamique. C’est pour cette raison que les dictatures ne se sont jamais gênées pour effectuer des déplacements de population massifs. C’est aussi pour la même raison que la colonisation est un crime de guerre lorsqu’il ne se transforme pas dans les faits, en crime contre l’humanité. Le danger pour les états mais aussi pour les droits de l’homme que représente la notion d’autodétermination des peuples provient de sa dépendance au taux de natalité. En effet, même si cette notion se veut la garante des droits des peuples, elle a une tendance naturelle à privilégier les populations nombreuses soit directement soit via leur taux de natalité. Aussi nous devons être très prudents quant à son application en tant que dogme stratégique car bien souvent celle-ci va dans le sens d’une future intégrité territoriale qui nécessairement opprime la population minoritaire. Dans tous les cas litigieux, ces deux notions n’agissent pas de manière complémentaire, aussi elles correspondent à des arguments fallacieux de la part des diplomates internationaux. Car l’opposition statique–dynamique cache bien souvent la réalisation d’une nouvelle entité statique qui écrase la dynamique, tout en utilisant cette dernière comme prétexte afin d’être appliquée à une entité donnée.