3495 - Sur la notion d’espace européen
N. Lygeros
L’évolution de la structure de l’Union Européenne à travers les élargissements successifs amène à réfléchir à la notion d’espace européen. Faut-il le voir comme un espace vital (Lebensraum selon la terminologie de Friedrich Ratzel, comme un espace géographique (factuel en somme) comme un espace historique (diachronique) ou encore comme un espace culturel (civilisation) ?
Ce qui est un truisme, c’est que l’Union Européenne ne peut plus être considérée comme un espace strictement économique malgré toute la bonne volonté de ses détracteurs. Elle n’est pas non plus un espace strictement monétaire car l’Euro n’est plus simplement une monnaie, ne serait-ce que par la constitution de l’eurogroupe. Par ailleurs, même si la Constitution européenne n’est pas encore véritablement en place, la phase politique est bien enclenchée. Nous en arrivons donc à une véritable problématique d’identité qui englobe l’effet de bord que représente la notion de bord.
L’examen de la notion d’Europe semble plus simple car sa nature provient directement de la terminologie même si n’observons pas le même phénomène avec la notion des Balkans. Cependant avec les élargissements successifs de l’Union Européenne, nous avons la mise en place d’un processus d’identification de ces deux notions. En effet, l’Union Européenne, en tant que notion, est toujours incluse dans l’Europe. Seulement avec le temps, la distinction initiale parvient peu à peu à ses limites même si la différence est encore claire. Aussi tant qu’il n’y aura pas d’exception à cette inclusion, il sera possible d’utiliser le bassin européen dans le sens large du terme, en tant qu’attracteur de l’Union Européenne.
Un point est donc indiscutable. Et en l’état actuel des choses sur le plan géopolitique, nous avons au moins une concordance des notions. Si nous examinons l’Europe à l’instar de Halford Mackinder, il est possible de voir de grandes tendances qui ne sont pas sans rappeler certaines propriétés d’ordre mathématique que nous avons analysées auparavant au sujet de l’Union Européenne. La notion d’Europe émerge à travers la civilisation grecque et le rôle initial de la Crète en tant que nœud maritime central. La venue des Achéens va renforcer ce dernier point même si elle l’absorbe dans un cadre avec une visée plus terrestre. Ceci va être considérablement étendu par la civilisation romaine qui met en place la notion de clôture méditerranéenne. Le caractère asymétrique de cette dernière sera mise en évidence par l’exemple carolingien. Par la suite, nous pouvons considérer les croisades comme une tentative de restaurer cette tendance qui sera mise à mal par les conquêtes et les occupations musulmanes. Ce n’est qu’à partir du XVe siècle que l’Europe s’étend véritablement et ce, à une échelle mondiale même si à l’est elle est bloquée par les Arabes et les Ottomans. Quoi qu’il en soit Venise et l’Autriche sont désormais capables de résister à l’assaut des Turcs. Ensuite l’essor de la péninsule ibérique a donné un nouveau souffle à l’Europe avec un retour retentissant de la force maritime. Ensuite ce fut le tour des Anglais et des Français mais aussi des Allemands de recomposer la carte de l’Europe non sans la présence diachronique de la Russie. Cet ensemble de grandes lignes stratégiques met en évidence l’existence d’une structure ouverte qui représente le substrat de l’Union Européenne. Et c’est justement ce substrat que nous considérons comme l’espace européen. Il ne s’agit donc pas d’une extension formelle mais d’une véritable configuration du noyau et toute reconfiguration ne pourrait qu’altérer sa nature.