3358 - Le rêve bleu
N. Lygeros
Traduit du Grec par A.-M. Bras
– Pourquoi tant de bleu?
– Pour que tous les hommes en aient.
– C’est mieux ainsi. Moi aussi je veux un peu de bleu.
Lumineuse se penche et prend une poignée de mer mais quand elle ouvre les mains elle voit qu’elle n’est pas bleue.
– Que s’est-il passé?
– Le bleu c’est pour le partager avec les autres, non le garder pour soi.
– Pardon.
– Ce n’est pas grave, ce n’est ce que tu voulais faire.
– Pourquoi es-tu gentil avec moi, même quand je fais une erreur?
– Les erreurs ne sont pas mauvaises. Je sais que tu voulais le montrer à ta grand-mère.
– Comment le sais-tu?
– N’est-ce pas elle qui te raconte des histoires le soir?
– Oui, oui.
– Alors, tu sais ce que tu dois faire à présent.
– L’amener près de la mer ?
– C’est la seule manière pour qu’elle revoie le bleu.
– Comment le sais-tu qu’elle l’a vu?
– Elle n’a pas le même prénom que toi?
– Oui, j’ai pris le sien.
– Tu ne l’as pas pris.
– C’est comme le bleu.
– Exactement.
Lumineuse regarda de nouveau la mer. Elle comprit que sa grand-mère était venue au même endroit avec le dragon. C’était elle qui lui avait parlé pour la première fois du dragon, son conte préféré. C’était elle qui avait choisi qu’il soit un dragon. Et les contes de Grand-mère étaient l’histoire du dragon.
-Je veux me réveiller.
– Ouvre tes yeux.
Lumineuse se réveilla et tendit sa main.
– Tu es là?
– À côté de toi.
– C’est toi qui as aidé ma grand-mère?
– Oui.
– Pourquoi tu ne me l’as pas dit plus tôt?
– Qui croit aux contes?
– Mais ce n’est pas un conte, c’est ton histoire.
– Mon histoire n’existe plus. Ils l’ont effacée.
– Nous l’écrirons à nouveau.
– Qui la croira?
– Nous dirons que c’est un conte.
– C’est ce qu’a pensé ta grand-mère aussi.
– C’est pour cela qu’elle est devenue écrivain?
– Il n’y avait pas d’autre solution à cette époque.
– Et maintenant ?
– L’histoire te plait ?
– C’est ma grand-mère qui me l’a préparée.
– Seulement ainsi…
– Je pourrais écrire ton histoire?
– Oui.
– Comment as-tu supporté autant d’années sans histoire?
– Je t’attendais dans le mythe.
– C’est vrai?
– Je suis la mémoire du futur
– Je suis le futur de la mémoire.