3065 - Au delà du Haut-Karabakh
N. Lygeros
Le Haut-Karabakh n’est plus une terre enclavée. Le Haut-Karabakh n’est pas seulement une terre libérée. Il est aussi l’avenir d’une histoire et l’histoire d’un avenir. Au delà de l’oxymore de l’existence non reconnue et du génocide reconnu, le Haut-Karabakh brise l’absurde pour créer le paradoxe de la résistance face à l’oubli. Sur cette terre que la barbarie convoite, les hommes sont libres car ils ont décidé de mourir debout. Seules leurs têtes dépassent car leurs corps c’est leur terre. Ils semblent immobiles dans ce vaisseau de pierre car l’océan est venu à la rencontre de Prométhée. Cependant c’est cette immobilité spatiale qui permet de traverser le temps. Dans le Haut-Karabakh la nécessité de créer est omniprésente. Et il n’est pas difficile d’imaginer la présence du Vishap. Mais au delà du Haut-Karabakh, au delà de l’histoire, se trouvent nos sources et nos grenadiers dans la liberté que le hommes n’osent rêver. Que sommes-nous sans nos montagnes? Que sont nos montagnes sans nous? Une histoire sans avenir. Un avenir sans histoire. Aussi ce que nous n’osons revendiquer nous devons le réaliser. Le Haut-Karabakh est en pleine renaissance et certains d’entre nous considèrent malgré tout qu’il appartient encore aux siècles obscurs. L’ignorance et la volonté d’ignorer ne regardent même pas la carte de ce pays. Comment aimer ce que nous ne pouvons accepter de voir? Comment parler d’arménité si nous ne comprenons pas la réalité du Haut-Karabakh? Sans la jeunesse de cette terre ancestrale comment parvenir à la réalité de nos revendications? Les combattants de l’Artsakh ont démontré qu’ils n’étaient pas les descendants des survivants pour devenir des victimes. Le Haut-Karabakh n’est pas un détail de l’histoire mais un indice pour l’avenir. Tout est possible car même l’impossible l’a été. Il n’est pas simplement un objectif pour la diaspora et une cible pour la barbarie, c’est aussi le pays de la paix, de cette paix qui a connu la guerre et qui sait combien l’abandon coûte. Dans un monde où nous ne cessons de dire que tout a un prix, le Haut-Karabakh montre la valeur du sacrifice. Au delà des principes, il montre les valeurs. Celles que certains ont oublié pour vivre plus confortablement sans se rendre compte combien est mortel ce confort. En assassinant la mémoire, la barbarie n’impose pas l’oubli. Car elle doit affronter la résistance des hommes libres. C’est en ce sens que le Haut-Karabakh représente un paradigme pour l’arménité. Son existence même si elle n’est pas encore reconnue démontre que l’arménité a un sens malgré les interdits de la barbarie. L’Arménie n’est pas la terre de l’arménité. Cette dernière est d’une autre grandeur et l’envergure du Haut-Karabakh le montre de facto. A travers son combat pour la reconnaissance le Haut-Karabakh montre aux hommes que le passé n’appartient pas seulement aux victimes mais aussi aux survivants. L’indifférence ne voit dans le meilleur des cas qu’un peuple de victimes dans la reconnaissance du génocide. Tandis que le Haut-Karabakh lui impose de voir dans le peuple arménien, un peuple de survivants malgré tout et malgré tous.