3025 - Une image, mille morts
N. Lygeros
– Je voudrais te montrer une photographie mais je n’ose pas…
– Pourquoi donc ?
– J’ai peur de ta réaction…
– Cette photographie est donc si terrible ?
– Ce n’est pas elle qui est si terrible.
– Quoi donc alors ?
– Le crime !
– Le crime ?
– Un crime contre l’humanité.
– De quoi s’agit-il exactement ? Tu sembles bouleversé.
– Il s’agit de mon histoire.
– Je ne savais pas que ton peuple avait subi un génocide.
– Je ne t’en veux pas pour cela.
– Mais je m’en veux moi-même.
– Tu n’étais pas né en 1933.
– Et je ne suis pas mort non plus.
– Tu veux toujours que je te montre la photographie ?
– Oui, bien sûr.
– Tu ne m’en voudras pas de te faire souffrir.
– N’est-ce pas cela l’amitié ?
– La voici.
Le choc est insupportable. Son ami tente de cacher la photographie.
– Non, je dois la voir car elle est dans ton âme.
– C’est vrai. Elle est gravée dans mon âme.
– Je suis vraiment désolé de ne jamais avoir prêté…
– Ne dis pas cela… Je n’osais t’en parler.
– Mais pourquoi ?
– J’avais peur d’être accusé.
– Accusé de quoi ?
– De propagande.
– Tu es fou !
– Non, mais la société est absurde.
– Ainsi certains contestent l’existence de ce génocide.
– Oui au nom de la politique.
– La mort n’est pas politique.
– Mais le crime, si.
– C’est un crime contre l’humanité.
– Seulement parfois l’humanité c’est bien peu d’hommes.
– Désormais je ferai partie de ceux-là.