2782 - La rencontre de la nécessité
N. Lygeros
A l’occasion de la conférence intitulée Après le génocide que nous avons donnée à Marseille le 15 Mars 2007 devant les membres des communautés arménienne et grecque, nous avons insisté sur la nécessité d’effectuer des recours à la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Même si la jurisprudence est claire à ce niveau notamment en raison des affaires chypriotes contre la Turquie et celle de la grande école grecque de Constantinople contre la Turquie, les réfugiés hésitent car ils ne savent pas s’ils détiennent les documents nécessaires au recours européen. Nous écrivons donc cette note pour montrer combien il est important d’informer nos peuples. A la fin de la conférence nous avons pu discuter avec de nombreuses personnes de leur cas spécifique. L’une d’entre elles, provenant de la région du Pont, selon ses propres dires, nous a expliqué qu’elle détenait peut-être des documents utiles. Elle ne savait pas s’il s’agissait vraiment d’actes de propriété aussi notre discussions n’avait pu aboutir. Plusieurs jours après cette rencontre, nous avons reçu un coup de téléphone de la même personne qui semblait bouleversée. A la suite de la conférence, elle avait parlé des recours à l’ensemble de sa famille et même ses petits enfants. Elle s’était ainsi rendue compte que la recherche des documents nécessaires pour le recours donnait un prétexte, au sens positif du terme bien sûr, de mentionner les évènements historiques vécus par la famille mais aussi de les placer dans le contexte plus large de la grande histoire et de ce que nous appelons globalement en Grèce la catastrophe d’Asie Mineure. Comme elle ne pouvait lire l’osmanli, nous avons convenus de l’envoi de photocopies des originaux. Car nous considérons que le réfugié doit toujours conserver ses originaux. Quelques jours à peine ce coup de téléphone, quelle n’a pas été notre surprise de recevoir par la poste un immense dossier contenant de nombreux actes de propriété. De plus la lecture des documents nous a permis de constater que la branche de la famille était de Constantinople. Ce point est très important car il peut être utilisé efficacement à la Cour Européenne des Droits de l’Homme. En effet, la ville de Constantinople ainsi que les îles de Imvros et Ténédos appartiennent aux exceptions dans les échanges de population des Accords de Lausanne de 1923. Ainsi le cas à traiter est encore plus facile que ce que nous pensions initialement. Nous avons donc rapporté le résultat de nos lectures à cette personne. Au cours de ce second coup de téléphone, l’émotion était toujours présente mais cette fois, la personne était consciente de son rôle, ne serait-ce qu’en voyant l’impact qu’elle avait produit sur sa propre famille. L’affaire va avancer, et elle portera son nom dans quelque temps. Cette famille qui avait oublié l’importance juridique de son histoire appartient désormais aux réfugiés qui revendiquent leurs droits de l’homme contre un régime autoritaire qui continue le génocide de la mémoire. Ceci est possible dans chaque famille de réfugiés.