21218 - Etude de cas: le Sahara Occidental.
N. Lygeros
Le problème de la représentativité est fondamental dans le cas du Sahara Occidental car il s’agit d’un conflit gelé où il est possible d’entrevoir les schémas mentaux de la Chronostratégie. De plus dans ce cadre où interviennent directement sur le plan historique l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie, il est possible de voir et d’étudier de manière concrète l’évolution des comportements nationaux sur le plan de la stratégie et ce, à un niveau multilatéral. Ainsi l’analyse de l’action du Polisario peut être incluse dans ce champ afin de mettre en évidence son rôle et son impact. Ce contexte, sur le plan géopolitique, est clair puisque l’Espagne qui représente un Etat-Nation, a réalisé que sa place est bien en Europe, et que le Maroc, l’autre Etat-Nation de la région, car ce n’est le cas ni pour l’Algérie ni pour la Mauritanie, se trouve sur son historicité territoriale. Ainsi le rôle du Polisario est concevable vis-à-vis de l’Espagne et de la Mauritanie dans le sens où il s’agit d’un processus de décolonisation et d’autodétermination mais il y a une différence de fond pour le Maroc. Aussi nous pouvons voir que dès le commencement du conflit, il existe une asymétrie dans le processus. Cette difficulté apparaît dans le positionnement politique qui se déplace du nationalisme au socialisme pour enfin opter une sorte de libéralisme. Le changement de phase structurel s’effectue avec le cessez-le-feu de 1991. Ainsi un mouvement qui était au départ petit et constitué pour effectuer une guérilla qui avait changé à partir de 1975 via l’existence des camps de réfugiés à Tindouf en Algérie, et en 1976 en assumant le rôle d’un gouvernement en exil, de nombreux problèmes de surabondance et de recouvrement des pouvoirs des deux structures, qui ont dû se repositionner. Quant au système proprement dit du Polisario qui est dirigé par le Secrétariat Général, même s’il donne l’impression d’un système pseudo démocratique qui a élu successivement Gali, El-Ouali et Abdelaziz, le fait que ce dernier soit systématiquement réélu tous les quatre ans et ce depuis quatre décennies n’est pas véritablement un point positif et surtout un argument fort. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’il faut interpréter l’existence du Polisario Khat al-Shahid né en 2004, en opposition au Polisario et à son Secrétaire Général qui est accusé de clientélisme, d’être incapable d’avoir une stratégie face à la géopolitique globale et d’effectuer des réformes internes. Ceci a d’ailleurs un impact négatif sur une quelconque légitimité de la RADS qui se retrouve dans une situation paradoxale puisque de nombreux pays après l’avoir reconnu dans le passé, ne la reconnaissent plus désormais car ils considèrent que la reconnaissance s’oppose avec le principe d’un référendum d’autodétermination sur le Sahara Occidental. A cela nous pouvons ajouter le fait que la population sahraouie participe normalement aux différentes élections marocaines alors que seuls les camps réfugies participent aux autres élections. Ce point est particulièrement épineux aussi bien en terme de représentativité que de légitimité. Il est intéressant de remarquer que le Polisario n’a pas réussi, même durant la guerre froide, à influencer le bloc soviétique. De plus avec le Polisario, la nuance entre mouvement séparatiste et de libération est très faible, en raison de l’absence d’une stratégie à long terme dans un conflit qui passe de l’enlisement au gel. C’est aussi pour raison que l’Union Européenne dans son ensemble ne reconnaît pas la RADS, ce qui représente une forme diplomatique de désaveu de l’action du Polisario. C’est d’ailleurs pour cette raison que le point de vue de l’autonomie s’impose de plus en plus auprès de différents Etats. Un autre point très important à noter pour avoir une vision d’ensemble qui met en cause la crédibilité même du Polisario et de son aliénation au cours du temps. En effet, l’interdiction qu’il effectue vis-à-vis du Haut-Commissariat de la Croix Rouge à dénombrer le nombre de réfugiés dans les camps qu’il contrôle a engendré une surestimation et elle-même a permis le détournement de l’aide internationale. L’enquête de l’office anti-fraude de l’Union Européenne a montré d’une part que ce sont des prisonniers qui sont exploités pour le manutention de l’aide internationale et la construction des bâtiments financés par l’aide internationale, et d’autre part que les produits d’élevage de volailles financés par l’aide internationale sont vendus et non donnés aux réfugiés. Aussi en considérant, l’ensemble de ses points, il est raisonnable de se poser des questions sur la représentativité de cette structure et de son rôle dans la résolution du problème du Sahara Occidental.