1996 - Sur la complexité du temps
N. Lygeros
L’abord du temps est difficile non pas par nature mais par habitude. Les théories classiques de la physique le considèrent essentiellement comme un paramètre. Il a certes une dimension mais cette dernière est formelle. En réalité, elle n’est pas utilisée comme telle. C’est avec l’apparition de la théorie de la relativité restreinte que le temps est désormais considéré comme une dimension d’un système unifié que nous appelons désormais espace-temps. Cependant malgré ce changement radical, le temps reste confiné dans une seule dimension aussi dépourvu de géométrie, il n’est guère étudié en soi. Fort heureusement les travaux de Prigogine sur les systèmes hors équilibre, sont venus donner de la complexité au temps à travers les notions de brisure de symétrie, d’irréversibilité et de flèche temporelle. Cette fois, le temps a une direction. Il a désormais plus de sens. Malgré tout il demeure linéaire. Aussi il nous semble essentiel de pénétrer le temps via la causalité de l’espace-temps. Ceci est possible à travers les représentations par inclusions de cercles qui permettent d’arracher des informations au système temporel. Alors qu’il est aisé de trouver la première obstruction pour la causalité de la théorie newtonienne, l’analogue pour la relativité restreinte est extrêmement difficile. Dans le cadre d’une projection dans l’espace à trois dimensions, nous ne savons toujours pas prouver la conjecture de Sydney-Sydney-Urrutia à savoir que la plus petite obstruction a 14 éléments et qu’elle correspond à la construction de Brightwell-Winkler. Pour l’instant nous ne devons démontrer (voir Bayon-Lygeros-Sereni) que : la causalité absorbe toutes les structures d’ordres transitifs jusqu’à l’ordre 10. Une approche directement dimensionnelle est exclue puisqu’il existe un ordre de dimension trois au sens des posets qui ne sont pas représentables par inclusions de cercles. Pour parvenir à ce résultat, nous avons exploité la notion d’algorithmes génétiques qui comporte des caractéristiques qui ne sont pas sans rappeler les idées de Prigogine sur le chaos. La causalité du temps semble elle-même difficilement accessible par des procédés rigoureusement déterministes. Aussi la complexité du temps est encore plus grande que nous ne pouvions le penser au premier abord même en l’étudiant dans un cadre essentiellement linéaire. Car nous n’exploitons guère – pour le moment en tout cas – l’idée que le temps est discret. Pourtant cette idée semble naturelle dans le cadre de la mentation de la théorie de la mécanique quantique. Cela signifie que nous sommes encore très loin de maîtriser les outils qui nous permettrons de comprendre l’ontologie mais aussi la téléologie du temps.