1850 - Condamnation de la barbarie
N. Lygeros
Le projet de loi n’est pas seulement une pénalisation de l’inconscience, c’est avant tout une condamnation de la barbarie. Il ne s’agit pas non plus de sanctionner la Turquie ou le peuple turc. Seulement la France est un état de droit et elle doit nécessairement prendre position face au négationnisme de l’appareil législatif turc. La France a reconnu le génocide des Arméniens de 1915 et elle ne peut simplement accepter que toute mention à celui-ci soit punie par le code pénal turc. En tant que patrie de la déclaration des droits de l’homme, elle ne peut soutenir un régime autoritaire qui nie l’existence du génocide. Certes, elle ne désire pas s’ingérer dans les affaires intérieures turques mais le problème du génocide n’appartient pas à cette catégorie. Le génocide des Arméniens est un crime contre l’Humanité aussi il ne peut manquer de toucher la France. La reconnaissance étant acquise, le processus de réparation doit se poursuivre et pour cela il est nécessaire de passer par la problématique de la pénalisation. Celle-ci ne doit pas être contextualisée par les données actuelles de France. Elle s’inscrit dans le processus de réparation qui s’appuie sur la notion de crime contre l’humanité. Le contexte ne peut donc être de nature politique et encore moins politicienne. Il est de nature juridique et son fond est celui des droits de l’homme. Nous pourrions même affirmer que la pénalisation ne concerne pas les Arméniens. Cela peut sembler paradoxal mais ce n’est pas le cas. Les Arméniens dans le cadre de la loi, ne sont qu’un exemple particulier. La pénalisation n’est que la suite logique de la reconnaissance. La reconnaissance ne s’effectue pas par la victime. Elle ne concerne que l’observateur et le coupable. La structure est juridique puis nomologique. La nature de la victime ne nous importe pas. Un état de droit doit répondre de la même manière indépendamment de la victime afin d’être juste. Et s’il s’agit a posteriori d’un problème de conscience collective, ce n’est pas celle du peuple arménien mais bien du peuple français. Il est donc naturel que le débat soit français. Indépendamment du résultat, la problématique est uniquement française. Et même si le régime autoritaire de la Turquie tente d’influencer les hommes politiques français, ces derniers doivent rester dans un cadre juridique. Ils doivent voter de la même manière sans tenir compte de ces menaces qui sont avant tout oratoires. La problématique de la pénalisation n’est pas d’ordre médiologique aussi il ne s’agit pas de la construction d’une image. La pénalisation est un problème de fond qui permet de caractériser l’état de la société française. Il s’agit de mettre en place un principe axiologique qui deviendra une véritable signature éthique de l’entité étatique. Aussi ne tombons pas dans le piège du conflit communautaire. La France doit juger ce qu’elle considère comme inacceptable à savoir ce que nous nommons le génocide de la mémoire. Ensuite chacun contextualisera la décision à sa guise mais ceci doit être effectué a posteriori.