1723 - La vigilance des survivants
N. Lygeros
L’apport que représente l’ensemble des survivants est tellement important pour la cause de la reconnaissance du génocide qu’il est très difficile de le placer dans un cadre précis. Il s’agit véritablement d’un réseau complexe de schémas mentaux qui se structure et s’organise de manière à transcender la mort, à travers la mémoire. Néanmoins, il existe certains points qui sont plus accessibles que d’autres même s’ils demeurent abstraits. L’un de ces points, c’est la notion de vigilance. Celle-ci constitue une forme précise de la pensée même si cette dernière peut être interprétée comme une vigilance de tous les instants. Les survivants sont le témoignage vivant de l’existence du génocide des Arméniens, seulement avec le temps le nombre de ceux-ci s’amenuise. Aussi, il est nécessaire que la notion de vigilance soit transmise aux innocents et aux justes car ce sont eux qui devront poursuivre, grâce à leur labeur, le sacrifice temporel des survivants. Lutter pour la reconnaissance du génocide et pour la promotion des recours à la Cour Européenne des Droits de l’Homme ne peut être suffisant pour la cause arménienne. Il est vital de rester mais surtout de continuer à être vigilant car les hommes de main de la négation ne cessent de travailler pour l’oubli. Ils réalisent leur tâche de manière systématique car ils savent que nier et désinformer finit par payer même si cela est injuste, en raison de l’inertie de la société et de l’oubli du quotidien. Etre un penseur vigilant, voilà le rôle et le but de tout innocent, de tout juste de la cause arménienne. Les tentatives de désinformation sont bien trop importantes désormais pour laisser faire sans rien dire. La neutralité n’est plus de mise. Les récents évènements en Allemagne le prouvent. Nous devons être vigilants pour déceler les subversions des ennemis de la mémoire. Et ensuite nous devons être dynamiques pour réagir et même riposter grâce au droit international. Il ne suffit pas de défendre nos acquis dans le domaine du droit. Il faut sans cesse les revendiquer car c’est l’unique manière de les préserver vivants. Nous n’avons pas besoin de souvenirs si nous ne voulons pas les faire vivre et si nous ne voulons pas les transmettre. Sans la vigilance, nous sommes condamnés. Car devant la neutralité de la société, il nous faut aussi parer les attaques et les initiatives des fanatiques de l’oubli. Il ne suffit pas d’organiser une manifestation parallèle car c’est une manière indirecte de mettre au même niveau les informations historiques et les subversions de la propagande. La vigilance permet de contrer efficacement des actions avant même qu’elles aient pu se réaliser. En cela, la vigilance appartient à la stratégie de la cause arménienne. Seulement elle nécessite une hyperactivité qui semble superfétatoire même pour les nôtres. En réalité ses effets ne sont visibles que lors d’une crise. A cet instant, tout le monde comprend enfin son importance. Nous n’hésitons pas à mentionner dans le monde des entreprises la notion de veille technologique. Pourtant, nous sommes sceptiques lorsqu’il s’agit des droits de l’homme. Alors que c’est dans ce domaine que nous devrions fournir tous nos efforts. Il ne s’agit de transformer ces derniers en problématiques commerciales ou militaires mais nous devons être conscients que nous avons besoin de certains schémas mentaux universaux pour lutter contre les outils de la propagande des serviteurs de l’oubli.