1472 - Votation suisse et union européenne
N. Lygeros
Un ensemble n’est pas nécessairement défini par ses éléments. Des entités extérieures peuvent elles aussi aider à le définir. C’est ce schéma qui permet d’expliquer la récente votation suisse et l’apport qu’elle représente pour l’ensemble de l’Union Européenne. La Suisse n’appartient pas formellement à l’Union Européenne mais il est indéniable que sur certaines de ses caractéristiques elle est foncièrement européenne. Sa politique est basée sur des relations bilatérales tout d’abord avec l’ensemble de ses pays voisins. Cela lui permet techniquement d’avoir des échanges pour ainsi dire transparents avec ces états membres de l’Union Européenne. Elle a par la suite intégré l’espace Schengen ce qui lui donne un statut quelque peu spécial puisque certains états membres n’en font pas encore partie. Désormais grâce à sa votation elle n’effectue pas de discrimination entre les anciens 15 états membres et les nouveaux 10 états membres. De cette manière la Suisse vient de confirmer les acquis de l’élargissement. En ce sens elle permet indirectement de renforcer la structure institutionnelle de l’Union Européenne. Sa votation ne représente donc pas seulement un résultat important au niveau national suisse. Elle marque surtout le soutien de la Suisse envers l’Union Européenne et sa volonté de considérer son principal partenaire comme une entité à part entière. Cette votation est d’autant plus exceptionnelle qu’elle s’appuie d’une part sur un référendum et d’autre part sur l’Europe. Or lorsque nous regardons les difficultés actuelles dans ces deux domaines, il est important de signaler le fait que la population suisse a suivi l’exemple du Luxembourg. De plus pour un pays qui est si autant attaché à son indépendance et à sa neutralité, il est évident que ce résultat représente un véritable tournant. De là, à dire que nous observons un changement de phase, il n’y a certes qu’un pas mais il est sans doute préférable de ne pas se précipiter. Certes cette décision ne va pas dans le sens de l’isolationnisme mais plutôt dans celui d’un cosmopolitisme à la Suisse. Seulement la Suisse demeure toujours un état hors de l’Union Européenne. Et il faudra sans doute encore de nombreuses années avant la réalisation formelle d’une adhésion. Aussi il est préférable de se concentrer sur l’apport pour l’Union Européenne que constitue cette votation. Car il ne s’agit pas évidemment de l’acceptation de la procédure d’élargissement. Il s’agit avant tout d’affirmer que la Suisse ne souhaite pas effectuer une séparation et créer deux catégories de citoyens européens avec pour élément de comparaison la situation économique. Car il est vrai que la plupart des nouveaux états membres sont en moyenne moins riches que les anciens. Ainsi il aurait été très facile pour la Suisse de s’en tenir à cette distinction. Tandis que le résultat de la votation va véritablement dans le sens de la construction européenne. Enfin il montre de manière effective la différence fondamentale de la Suisse avec la candidature orientale. Cette dernière qui se prétend déjà européenne et impatiente d’adhérer à l’Union Européenne, se trouve bien en deçà d’un pays qui n’appartient pas à l’Union Européenne. Ainsi la Suisse n’a pas posé le moindre problème quant à la reconnaissance de Chypre alors que ce sujet semble un tabou irréductible pour ce qu’il faut bien appeler Asie Mineure.