1197 - Principe holmesien et horizon économétrique
N. Lygeros
En étudiant les schémas mentaux décrits par Conan Doyle quant à la manière de résoudre un problème, nous pouvons dégager le suivant: il ne faut pas théoriser avant de connaître l’ensemble du matériel expérimental. Sinon, cela fausse le jugement. Cette approche est aussi présente en économétrie, moins par choix que par nécessité. Néanmoins, elle est tout à fait caractéristique. En effet, comme le modèle est a priori construit de toutes pièces a posteriori – i.e. après l’étude des données – grâce au réglage de l’ensemble des paramètres, il est évident que la non complétude des données provoque des anomalies dans la théorie ainsi conçue sans que cela n’implique que les anomalies soient présentes dans les données. Cependant cette manière de procéder ne peut être valable qu’au sein du domaine calculatoire de la théorie – i.e. au sein de l’horizon économétrique car il n’y a que dans cette région que le processus déductif peut être systématiquement appliqué. Dans ce sens l’horizon engendre de la certitude. Néanmoins l’application de ce principe holmesien qui justifie l’horizon économétrique, entre en opposition avec la notion de découverte ou en d’autres termes de l’inférence holmesienne. En effet dans l’horizon économétrique tout est prévisible a priori puisque tout résulte d’opérations automatiques. Aussi aucune découverte ne peut être effectuée dans ce cadre.
D’une certaine manière nous sommes dans un univers clos et équilibré. Mais l’inférence holmesienne n’a de sens qu’en dehors de ce contexte. Car elle se base sur l’idée que tout n’a pas été prévu dans le modèle mental et ceci engendre la possibilité d’existence d’une solution singulière. Ainsi même si en économétrie nous cherchons sans cesse un horizon qui nous garantit une sécurité, si nous désirons découvrir de nouveaux modèles nous devons sans cesse flirter avec l’effet de bord qui permet de transcender des données naturelles et rigides afin de produire une innovation intellectuelle. Le principe holmesien et l’horizon économétrique mettent en évidence un paradoxe au sein de la recherche économétrique. La nature même de la découverte ne peut se concilier avec les notions de garantie et de sécurité qui sont si importantes dans le domaine économique. Par contre, elle s’approche plus près de la notion de risque qui permet de remettre en cause les rigidités engendrées par les données considérées comme stables. La notion de risque en plaçant le système hors équilibre devient une source créatrice qui permet la présence de l’inférence holmesienne. En d’autres termes, nous devons baser nos principes heuristiques sur le fait que le modèle initial est essentiellement incomplet et ce particulièrement à la frontière i.e. aux confins de l’horizon économétrique. Ceci ne doit donc pas représenter un obstacle pratique mais un principe théorique.