1166 - L’art des codes et le code des arts
N. Lygeros
Les codes les plus habituels ont une nature chiffrée. Cela correspond au fait que le codage chiffré est le plus simple à mettre en place mais aussi et c’est sans doute la raison la plus importante – qu’il permet de coder une information importante. Cependant cela ne signifie pas pour autant que cette méthode de codage soit la plus importante dans l’histoire des codes. En effet si le codage doit être visible par un nombre important de personnes alors la méthodologie qui utilise des chiffres ou des lettres ne sera pas privilégiée car elle aura tendance à attirer les regards sur un point hermétique. Au contraire comme le témoigne l’histoire de l’art en général, le codage pictural est prédominant. Ce choix correspond aussi à la continuation de la tradition picturale où se mêlent à l’art et à la technique, un savoir-faire qui garde jalousement ses secrets de fabrication. Dans ce cas, le codage sert de signature de l’artiste ou de l’oeuvre. De plus lorsque l’art est chargé de symbolisme alors le codage pictural devient non seulement nécessaire mais naturel. Ce dernier permet aussi d’avoir l’ossature et la structure combinatoire de l’oeuvre dont l’afflux de termes picturaux peut créer une confusion quant à sa nature intrinsèque. Cette technique fut largement utilisée durant la période de l’empire byzantin. Elle permettait, entre autres, pour les artistes de l’époque de raconter de manière picturale un segment biblique ou historique. Néanmoins l’utilisation de codes dans l’art se développe durant la Renaissance. Cela n’a rien de surprenant puisque cette époque recherche dans les références du passé un moyen pour se libérer des contraintes du présent. Et il n’est guère étonnant que cette tendance ait évolué pour finalement faire naître le symbolisme explicite. En tout cas au cours de la Renaissance nous trouvons nombre de tableaux de maîtres qui exploitent plus ou moins consciemment cette technique pour faire dire à leurs tableaux plus qu’ils ne pouvaient montrer. Dans ce cadre le codage pictural est plus adéquat car il permet de noyer le profane sous la masse d’une information qui cache l’information qui s’adresse à l’initié. Via ce procédé l’information massive devient désinformation. Il est donc naturel que ce procédé ait été utilisé par les libres penseurs à un moment où les guerres de religion battaient leur plein. Cela ne signifie pas pour autant que l’information soit subversive en soi. Elle peut le plus souvent exposer une autre version, une alternative sans constituer pour autant une doctrine concurrente. Ainsi le code apparaît là aussi comme un moyen de coder la mémoire dans l’oubli, un moyen de demeurer libre dans un monde occupé.