1150 - Pensées codées
N. Lygeros
Tableau XI
Roland
Je crois que c’est bon !
Il regarde à nouveau l’ordinateur.
Agnès
Tu crois ou tu en es sûr ?
Roland
J’en suis sûr.
Agnès
Ainsi nous pouvons penser et parler librement ?
Roland
Oui, Faust code tout ce qui est dit et pensé au sujet des carnets.
Lucien
Parfait, nous allons pouvoir travailler.
Danielle
« Qui méconnaît la suprême certitude des mathématiques se repaît de confusion et ne réduira jamais au silence les contradictions des sciences sophistiques, qui font un bruit perpétuel. »
Olivier
Quel système as-tu employé ?
Roland
Le cryptosystème est basé sur la théorie des hypergroupes.
Olivier
Mais celle-ci existait au XXème !
Roland
La théorie oui, mais pas son application en cryptographie.
Danielle
Heureusement que nous avons Roland.
Roland
Heureusement que nous avons Faust !
Eric
Et qu’en est-il du traceur ?
Roland
Il n’a pas bougé d’un iota.
Lucien
Je me demande comment ils vont interpréter cet arrêt.
Nestor
Ils croient peut-être que nous sommes morts…
Lucien
Ce ne serait pas forcément un mal mais c’est impossible.
Nestor
Pourquoi donc ?
Lucien
Car les carnets existent !
Nestor
Ils savent donc qu’il se passe quelque chose mais ils n’ont pas accès à nous !
Roland
Pour le moment en tout cas.
Olivier
Combien de temps le cryptosystème pourra-t-il résister aux attaques?
Roland
En cryptographie nous ne sommes certains que d’une chose…
Olivier
De quoi donc ?
Roland
Le code sera cassé au bout d’un certain temps.
Danielle
Cela n’est guère rassurant.
Roland
C’est le risque qu’engendre la sûreté. Tandis que l’assurance crée le risque.
Eric
Tu auras du mal à vendre ce slogan à une compagnie d’assurances !
Lucien
Aussi nous n’avons que peu de temps devant nous.
Comme si tout le monde avaitcompris le message, chaque membre du groupe s’approche d’une étagère différentede la bibliothèque et prend des livres qu’il dispose sur la table. Les unslisent, les autres écrivent. Les uns calculent, les autres dessinent.L’ambiance ainsi créée montre comment le Maître comprenait le monde du moinsdans sa façon théorique de l’aborder.
Danielle
Je ne sais si tous ces évènements sont la cause de monchoix mais j’ai retrouvé les fragments d’une lettre du Maître au Sénat vénitienrelative à la défense de l’Isonzo contre les Turcs.
Eric
Et quel est son contenu ?
Danielle lui fait passer la lettre. Eric commence à la parcourir.
C’est surprenant…
Roland
Pourriez-vous être plus précis?
Agnès
Eric, lis-nous la lettre s’il te plaît.
Eric finit de parcourir la lettre et commence sa lecture.
Eric
Dois-je lire les ratures ?
Agnès
Les ratures ?
Eric
Oui, certains passages ont été raturés plusieurs fois.
Danielle
Il en était de même sur le manuscrit.
Eric
« Ils approcheront de nuit s’ils soupçonnent que… »
Danielle
La phrase s’arrête là.
Eric
« Une force armée ne saurait prévaloir contre eux sielle n’est pas unie ; l’est-elle, ce ne peut être que sur un pointparticulier ; et si elle est ainsi concentrée sur un point particulier,elle est ou plus faible ou plus forte que l’ennemi ; si elle est plusfaible et que l’adversaire le soupçonne, grâce à ses espions, ils passeront partraîtrise… »
Roland
Est-ce tout ?
Eric
Oui pour ce paragraphe…
Nestor
C’est drôle mais j’ai l’impression que nous pouvons associer ce passage…
Olivier
C’est aussi mon avis.
Danielle
Précise-leur le contexte.
Eric reprend sa lecture.
Eric
« Mes Très Illustres Seigneurs. – Ayant examiné avecsoin l’état du fleuve Isonzo, et appris par les gens du pays que les Turcs,quelle que soit la route du continent qu’ils prendront pour approcher cettepartie de l’Italie, aboutiront forcément à ce fleuve, je suis d’avis que mêmes’il n’est pas possible de construire sur le fleuve des moyens de défense quine soient ensuite ruinés et détruits par ses crues… »
Lucien
C’est étrange parfois combien sont puissants les combats diachroniques.
Olivier
Et les schémas mentaux qu’ils contiennent !
Nestor
Je suis heureux que vous ayiez pensé à partager cette idée avec nous .
Eric
Je n’y suis pour rien, c’est Danielle qu’il faut remercier.
Danielle
Je suis confuse… Je voulais juste vous faire part de mes inquiétudes.
Agnès
Seulement ce texte donne du courage !
Roland
Et des idées !